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Rauparaha, se présentèrent pour s’opposer à leur mission. Un combat s’ensuivit dans lequel onze colons furent tués ; neuf autres, faits prisonniers, furent massacrés de sang-froid par Rauparaha. La nouvelle de ce massacre causa une impression de terreur générale d’autant plus forte que les coupables ne furent ni punis, ni même poursuivis, l’administration coloniale se demandant par excès, de scrupule si ces sauvages étaient bien réellement soumis aux lois anglaises. Le sentiment de l’insécurité chez les colons, l’audace agressive croissante chez les Maoris, conduisaient également à la guerre ; elle éclata en 1844, un an après le massacre de Wairau.

Le prétexte en fut honorable pour le patriotisme maori. Depuis la fondation de la colonie des drapeaux aux couleurs de l’Angleterre s’élevaient sur les édifices à l’usage de l’administration coloniale, maisons de douanes et autres, spécialement à Kororeka, près de la baie des îles, point où jusqu’alors les Européens avaient toujours débarqué et qui était le théâtre traditionnel du commerce avec les Maoris. Ces couleurs offusquèrent la vue d’un chef nommé Heke, qui fit jeter bas et brûler le drapeau anglais. L’autorité le rétablit peu après, mais en abolissant par concession la maison de douanes installée à Kororeka ; Heke le fit couper et brûler de nouveau. Replanté une troisième fois, il fut abattu une troisième fois, et ce dernier acte d’agression amena une bataille où Heke eut le dessus et par suite de laquelle les colons furent obligés d’évacuer Kororeka. Les troupes anglaises se mirent à la chasse de Heke et de ses alliés, mais il se trouva que le gibier était plus fort que le chasseur. Plusieurs combats eurent lieu où les Anglais eurent le dessous. Enfin, ayant commis l’imprudence de diviser leurs forces, les Maoris furent vaincus, et comme ils avaient épuisé les ressources qu’ils avaient assemblées pour cette guerre entreprise à la hâte, ils demandèrent la paix et l’obtinrent avec amnistie entière à la fin de 1846. En quoi, je le demande, le patriote européen le plus sensible et le plus fier aurait-il pu se montrer plus délicatement intelligent de la dignité nationale et plus chatouilleux sur le point d’honneur que ce sauvage Heke, brûleur des drapeaux de l’étranger ?

De longues années de paix suivirent, mais cette paix ne fut jamais complète, et, malgré les efforts du gouvernement colonial pour se concilier le bon vouloir des Maoris, des guerres partielles éclatèrent par intervalles, toujours désastreuses pour les forces anglaises. Les indigènes mirent d’ailleurs à profit le temps de cette paix en cherchant et en combinant des moyens de résistance qui donnèrent à l’administration coloniale presque autant de soucis qu’aurait pu lui en donner une guerre franchement déclarée. Les deux principaux de ces moyens d’action valent d’être signalés comme