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bas encore s’ouvrent deux regards, par le second desquels on peut apercevoir, disions-nous, le fond de l’ancien bassin hexagonal, à sec aujourd’hui, et le mur séparant jadis ce bassin du trapézoïde, le même mur que le désordre des eaux, lors de la seconde inauguration, est venu rompre en partie. Le visiteur n’a qu’à continuer vers l’est pour arrivera la tête de l’émissaire Torlonia et au canal central.

Le grand intérêt de cette première journée est dans le spectacle étrange d’un rapprochement immédiat et intime entre des débris qui datent de dix-huit siècles et une œuvre marquée à l’empreinte du génie le plus moderne. Près des deux regards qui dominent les bassins antiques, involontairement on se représente Claude et sa cour, le pavillon ébranlé par le reflux des eaux, l’effroi des courtisans, la colère d’Agrippine, le danger de Narcisse. Rarement il est donné à l’archéologue, à L’historien, de rencontrer de si curieux sujets de comparaison.

Ce n’est pas trop de la seconde journée pour l’examen des travaux modernes aménageant les eaux qui sans cesse alimentent le bassin lacustre, et pour la visite du reste de la côte occidentale. Il faut, avec une barque, remonter le canal central depuis son embouchure dans le nouvel émissaire, là où se trouve la Madone monumentale érigée par le prince Torlonia, jusqu’au barrage qui ouvre ou ferme à volonté le bassin de retenue. C’est une agréable navigation à rames de 8 kilomètres ; s’il reste des partisans désolés de l’ancien lac, qui le regrettent et qui le pleurent, ce canal peut seul en conserver pour eux quelque imparfaite image.

La vaste superficie du bassin de retenue est à elle seule comme une région spéciale. La digue de terre qui l’entoure avec un développement de 18 kilomètres présente une large route circulaire, où l’on jouira bientôt de frais ombrages, tant les acacias plantés pour retenir à droite et à gauche les deux pentes croissent avec rapidité. C’est surtout dans l’enceinte même du bassin que la végétation est d’une étonnante puissance ; chacun des piquets de saule plantés jadis pour les alignemens y est devenu un arbre ; il n’y aurait qu’à laisser faire pour obtenir en quelques années des bois épais, d’une exploitation avantageuse et facile ; mais il faut que ce plateau reste en prairie afin d’être inondé quand il paraîtra utile soit de ne rien confier temporairement à l’émissaire, soit de réserver contre la sécheresse d’abondans arrosages à l’agriculture.

Le retour par le sud et l’ouest offre, sur l’ancienne rive, d’intéressans épisodes. Près du bourg actuel de Luco s’élevait Angitia ; tout auprès, l’abîme de la Petogna n’a plus de mystères : on appelle de ce nom un ancien absorbant du lac formé par des bancs de rocher tombés depuis des siècles sur la rive, et entre lesquels l’eau