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jusqu’à la tête de l’ancienne galerie, maître d’un tunnel moderne entièrement refait sur une étendue de 4,065 mètres. Cette étendue était suffisante pour donner au lac un premier écoulement qui débarrasserait l’orifice et les vasques de l’incile, et y rendrait les travaux ultérieurs beaucoup plus faciles. Une galerie oblique entre la rive et l’émissaire fut donc construite, et la journée du 9 août 1862 fut choisie pour l’introduction des eaux. Il ne s’agissait encore que d’un premier écoulement, il est vrai ; il s’en fallait que fussent achevés les travaux sans lesquels un autre écoulement n’aurait pu avoir lieu ; tout le monde comprenait cependant que c’était ici un jour solennel, et que l’opération du dessèchement était vraiment commencée. Aussi lorsque, en présence des magistrats et du clergé, les populations réunies sur le bord du lac, au pied du mont Salviano, virent tomber les barrages, et les eaux s’engouffrer avec un long fracas au milieu d’un nuage épais de vapeur, leurs acclamations au prince Torlonia et à la Madone, qu’il avait prise dans toute cette œuvre comme spéciale protectrice, signifièrent qu’une nouvelle période était inaugurée, celle du triomphe irrévocable.

Le premier écoulement, commencé le 9 août 1862, continua, sauf quelques interruptions, causées par les craintes bien vaines d’inondation des riverains du Liri, jusqu’au 30 septembre 1863, et fit baisser le lac de 4m,24. A peine les eaux retirées, on avait repris le travail, pour achever la reconstruction de l’émissaire transformé en une nouvelle galerie triple de proportions, quadruple de puissance, et prolongée en avant dans l’ancien bassin lacustre, sans tenir compte de l’incile, destiné à disparaître. Cela fait, en pratiqua du 28 août 1865 au 30 avril 1868 un second écoulement, qui toutefois ne fut en activité que 212 jours, et fit baisser le lac de 7m,72. Puis l’on abandonna le canal provisoire qui avait servi à cette nouvelle opération, et l’on poursuivit le nouvel émissaire par une galerie allant recueillir les dernières eaux du lac jusqu’au point le plus inférieur du bassin. Le troisième écoulement commença le 22 janvier 1870 ; ce fut à la fin de juin 1875 que les terres les plus basses furent mises à sec, et que le lac Fucin disparut entièrement. Les travaux, pour cette partie de l’entreprise, avaient duré vingt années.

Ce n’était là cependant que la première moitié de l’œuvre. Il ne suffisait pas d’entraîner hors du lac les eaux qui y étaient amassées ; on devait encore s’occuper de celles qui continueraient d’affluer de tous les points du bassin hydrologique. Elles ne se dirigeraient pas sans des inclinaisons factices vers la tête du nouvel émissaire, bien que celle-ci fût placée maintenant au fond même de l’ancien lac ; les torrens apportaient des monceaux de brèche contre lesquels il fallait protéger les terres nouvellement conquises ; il fallait, en recueillant toutes les eaux tombant des montagnes, toutes celles aussi