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d’une science ingénieuse, mais à force de sang-froid, de courage et de dévoûment. On se trouva, par exemple, entre les puits 19 et 20, en présence d’un éboulement qui s’était produit vers 1842, sept ans après les insuffisans travaux de Rivera, dans la galerie déviée, primitivement construite par les Romains pour contourner cet autre éboulement survenu, nous l’avons dit, dès la première ouverture de l’émissaire. L’éboulement de 1842 interrompait toute communication, et accumulait dans la section antérieure du tunnel des eaux soumises à une énorme pression. Comment vaincre cet obstacle ? Il n’y avait pas moyen de songer à le percer en marchant tout droit à la rencontre d’un volume d’eau semblable à celui qu’il retenait. Il fallait opérer avec la dernière prudence, obtenir de grands effets par une accumulation de petits moyens, car aucune force humaine n’aurait pu vaincre un jet si puissant, projeté ou s’échappant sous une pression de 23 mètres. Voici ce que M. de Montricher imagina. Selon les plans précédemment adoptés pour l’ensemble de la galerie souterraine, le radier de l’émissaire Torlonia devait être abaissé dans cette partie d’une profondeur de 3 mètres environ ; l’ingénieur prit le parti de faire ouvrir dès maintenant par-dessous le tunnel romain une petite galerie dont le radier serait au niveau convenu pour le futur émissaire. Le ciel du plafond de cette petite galerie devait être le bloc de béton qui formait le radier romain ; on la continuerait par-dessous l’éboulement jusqu’à ce qu’on fût assuré de l’avoir dépassé. Arrivé en amont, c’est-à-dire là où l’on était certain de ne plus rencontrer les terres de l’éboulement, on percerait le plafond, et les eaux emprisonnées tomberaient dans la petite galerie pour s’écouler par la partie inférieure de l’émissaire reconstruit.

Un pareil dessein était, comme, on pense, encore moins facile à exécuter qu’à imaginer. M. de Montricher mourait alors et léguait cette exécution difficile à MM. Bermont et Brisse. Voici comment M. de Rotrou, dans le Précis historique, rend compte du commencement de ce travail. « Le percement de la petite galerie passant sous le radier de l’ancienne s’effectua, dit-il, dans des conditions qui semblent appartenir au domaine de la fantaisie plutôt qu’à celui de la réalité. Les ouvriers étaient dans l’eau quelquefois jusqu’à la ceinture, au milieu d’encombremens de bois pour les cadres, parmi des boues horribles, dans une galerie de 2m,50 de hauteur sur 1m,70 de largeur, réduite à lm,20 et à moins encore par l’épaisseur des boisages, presque dans l’obscurité, puisqu’il fallait employer, à 100 mètres sous terre, un très petit nombre de lampes pour économiser l’air respirable, et sous la perpétuelle menace d’un épouvantable désastre, que pouvait amener la plus petite lésion dans la maçonnerie du radier romain, le moindre mouvement dans ce milieu argileux et sablonneux détrempé par les eaux… Les