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galerie étant ouverte tout entière, on achevait les travaux. L’éboulement causé par ces eaux aura coupé le tunnel en deux sections, celle d’amont restant inondée. Pour la dégager, les mineurs romains, se plaçant en aval de la partie obstruée, auront creusé vers leur droite et un peu au hasard un nouveau tronçon de galerie ramené bientôt en amont de l’éboulement, vers la roche du mont Salviano. Une fois en présence de ce mur de rocher et tout près de l’endroit où l’écoulement était interrompu, ils auront percé ce mur avec précaution, de manière à procurer à l’eau une issue qu’ils pourraient modérer. Quant à l’éboulement, ils l’enfermaient entre des murs et ne s’en occupaient plus. Voilà bien d’une part l’impuissance des anciens mineurs dépourvus de machines d’épuisement (la pompe de Ctésibius ne leur suffisait pas), et d’autre part leur intrépidité à se creuser à une profondeur de 90 mètres une voie nouvelle et irrégulière. Cette opération, disent MM. Brisse et de Rotrou, dut être une des plus pénibles et des plus dangereuses de toute l’entreprise. Les constructeurs modernes, obligés de continuer le déblai à travers l’éboulement pour rectifier la courbe, durent avoir recours ici à l’air comprimé ; comment les Romains, qui n’avaient pas cette ressource, ont-ils fait pénétrer l’air nécessaire dans ce nouveau tronçon de galerie jusqu’à ce qu’une communication avec le tunnel en amont fût ouverte ? Les mille difficultés qu’ils ont dû subir et leurs expédions imprévus ont excité l’étonnement de ceux qui étaient appelés, dix-huit siècles plus tard, à leur succéder devant les mêmes obstacles.

D’autres imperfections, qui eussent pu être évitées, déparaient l’émissaire de Claude. D’abord on avait substitué à la ligne droite une direction se composant de trois lignes qui se rencontraient sous des angles très ouverts. Secondement, ces trois grandes lignes elles-mêmes n’avaient pas été exactement suivies, et de fréquentes déviations attestaient une grande inexpérience ou plutôt peut-être une grande négligence dans l’exécution. En troisième lieu, la pente de l’émissaire, au lieu d’être uniforme, était interrompue par quelques contre-pentes dont les sommets étaient plus élevés que l’entrée même de la galerie souterraine, et qui devaient donc nécessairement faire obstacle au passage des eaux. Enfin, tandis que l’ingénieur, à n’en pas douter, avait assigné à la galerie souterraine une ouverture ou une surface de section transversale mesurant 8m,50, on constatait, dans un grand nombre de tronçons intérieurs, que cette ouverture était réduite de la moitié ou des deux tiers, ou même ne présentait plus qu’une sorte de trou informe placé en dehors de taxe normal, et par où l’eau s’introduisait difficilement, Ce vaste émissaire souterrain de 6 kilomètres, auquel il faut ajouter les immenses appendices des cunicoli et des puits, qui ont doublé le travail, semble donc avoir été bien conçu et mal