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attitude fut équitable envers les populations vaincues : on connaît ses égards pour les traditions du peuple étrusque ; il mit fin décidément aux sacrifices humains en Gaule ; il protégea les esclaves. Les épigraphistes ont retrouvé, il n’y a pas dix ans, son édit de l’an 46 sur le droit de cité des Anaunes, et les découvertes ou les vérifications nouvelles de l’archéologie ont, d’autre part, beaucoup étendu la liste des grands travaux publics auxquels son nom doit rester attaché. C’est lui qui, pour achever de constituer l’administration des eaux, si importante aux yeux des Romains, fit ajouter à l’office consulaire des curatores aquarum celui des procuratores aquarum, choisis entre les affranchis de la maison impériale. C’est lui qui, après avoir déblayé et aménagé les embouchures du Tibre, construisit le port d’Ostie, avec deux jetées, une digue et un phare. Le plus grand et le plus beau des acqueducs romains qui subsistent aujourd’hui, celui qui, de la montagne, vient s’attacher à la Porte Majeure, doit lui être attribué. On a retrouvé d’autres aqueducs encore, élevés par Claude dans les autres parties de l’Italie ou de l’empire : un à Lyon, un en Étrurie, près de Vulci, sur la Fiora.

La région du lac Fucin devait attirer spécialement ses regards ; lui seul y exécuta le projet de César de mettre en communication les deux mers par une route transversale : continuant vers l’est la voie Valérienne, il lui fit franchir les défilés de l’Apennin oriental et construisit la voie Claudienne-Valérienne, des hauteurs voisines du lac aux embouchures de l’Aterno, sur l’Adriatique. Il y ajouta surtout ce grand travail de l’émissaire du Fucin vers le Liri, une des œuvres les plus remarquables de l’antiquité, que nous pouvons espérer de pouvoir connaître et décrire désormais, grâce aux explorations récentes, mieux qu’on n’avait pu le faire jusqu’à ce jour. Les derniers ingénieurs de Fucin ont étudié pierre par pierre, ce n’est pas trop dire, l’ancienne galerie romaine ; ils ont repris toute l’œuvre pour la refaire et l’agrandir, et, comme ils ont noté avec soin ce qu’ils ont vu, nous devons, avant de raconter leurs propres travaux, considérer leurs informations sur ceux des anciens, dont ils se sont si utilement aidés, et sans la connaissance desquels les leurs ne se comprendraient pas : occasion peut-être unique de comparer de si près pour de telles œuvres le degré qu’avait atteint la Rome impériale, et le progrès que les modernes ont accompli.

Le plan général adopté par les ingénieurs romains est parfaitement simple. Le fleuve Liri, devenu célèbre par tant d’épisodes historiques et qui va se jeter à Gaëte, passe au nord-ouest de la région du lac, à une distance de 5 kilomètres 1/2, avec une altitude de bassin notablement inférieure. Il est vrai que la haute montagne du Salviano, continuée dans la direction de l’ouest par les Champs Palentins, se dresse entre le lac et le fleuve ; mais cette difficulté