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et entreprirent de désarmer les émeutiers ; la tâche ne fut pas malaisée. Après trois jours d’agitation et de pillage, épuisés par les orgies auxquelles ils s’étaient livrés, sans but et sans direction, la plupart des émeutiers ne songeaient qu’à mettre en sûreté leur butin et à se soustraire aux conséquences de leurs actes : on ramassa dans les rues nombre de fusils et d’armes abandonnées. Le comité de salut public, établi sous la direction du maire, écrivit au président qu’il croyait pouvoir répondre de l’ordre matériel, mais qu’il n’avait aucun moyen de faire recommencer le service sur les chemins de fer, et que, sans le rétablissement des communications, la ville était condamnée à la famine. Telle était du reste la situation d’un certain nombre de villes, dont l’approvisionnement avait été complètement interrompu par le blocus auquel elles se trouvaient soumises.

L’autorité fédérale déployait autant d’activité et d’énergie que l’exiguïté de ses moyens d’action le lui permettait. Quand le maintien de l’ordre parut assuré à Baltimore par la mise en état de défense des gares et des établissemens publics, les troupes fédérales, avec la coopération des milices du Maryland, entreprirent de reconquérir, section par section, le réseau du Baltimore et Ohio. Toutes les gares furent occupées par des détachemens ; des patrouilles furent organisées le long des voies ; des piquets accompagnèrent les premiers trains. Le général Hancock, qui avait transporté son quartier-général à Philadelphie lorsque la tranquillité de cette ville avait paru sérieusement compromise, organisa de la même façon la délivrance du Central-Pensylvanien. Des détachemens de troupes accompagnaient les ouvriers chargés de rétablir les voies détruites ou arrachées ; un train suivait rempli de soldats et ayant en tête une mitrailleuse installée sur une plate-forme. Quelques trains furent déraillés, des coups de fusil isolés furent tirés sur les soldats, et des pierres leur furent lancées au passage, mais nulle part une résistance sérieuse ne fut opposée aux troupes fédérales. Le comité de Pittsburg, reconnaissant sa défaite, fut le premier à envoyer dans toutes les directions l’avis de cesser la grève. Hormis dans l’Indiana, la circulation était rétablie, dès le 31 juillet, sur la plupart des voies ferrées.

Pittsburg, Harrisburg et Reading continuaient d’être occupés par de forts détachemens de troupes fédérales, dont la présence avait pour objet d’assurer la recherche et l’arrestation des coupables et de contenir la population ouvrière encore frémissante. Le bassin houiller de la Pensylvanie était encore le théâtre de graves désordres ; sur plusieurs points, les mineurs avaient incendié les bâtimens d’exploitation des compagnies charbonnières ; ailleurs ils avaient arrêté ou même détruit les appareils d’épuisement pour faire