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Devant cette défaillance de toutes les autorités, les grévistes crurent qu’ils n’avaient plus qu’à prendre eux-mêmes le pouvoir pour réaliser leurs aspirations. Dans une réunion générale des employés de chemins de fer, tenue à Terre-Haute, le 24 juillet, les résolutions suivantes furent adoptées à l’unanimité :


« Attendu que la situation présente du pays demande la plus sérieuse attention et appelle une prompte et vigoureuse action de la part des classes laborieuses de la population ;

« Attendu que des efforts sont faits par une partie, et peut-être par la totalité des agens soudoyés du capital pour produire l’impression que l’état troublé du pays est dû uniquement aux employés de chemins de fer, tandis qu’en réalité et en fait il n’y a que l’exercice, par le travail opprimé, du droit imprescriptible de révolution contre les procédés tyranniques du capital,

« Il est résolu que nous faisons appel à nos concitoyens de toutes les classes pour qu’ils nous donnent leur sympathie et leur aide dans la résistance que nous opposons à l’oppression que le capital exerce sur le travail sans défense.

« Nous repoussons l’esprit de vandalisme, sous quelque forme qu’il se présente, et, pour mettre à l’abri de la violence toute personne et toute propriété aussi bien que pour nous assurer à nous-mêmes protection et sûreté, nous recommandons la nomination d’un comité de salut public, composé d’un membre pris dans chacune des branches de travail qui se sont jointes ou pourront se joindre au mouvement actuel : le comité aura pouvoir d’appeler à présider ses délibérations une personne distinguée à la fois par ses services civils et militaires.

« Le comité ainsi constitué sera autorisé à rédiger et à présenter à l’ensemble de ceux qui participeront au mouvement les règlemens qu’il jugera utiles, et à faire toute proposition pour qu’il soit statué par tous.

« Nous déclarons en toute sincérité et en toute assurance, et une fois pour toutes, que notre unique objet est de revendiquer les droits qui nous sont arrachés par la coalition du capital, et qu’aussitôt que notre but sera atteint, le mouvement que nous avons organisé prendra fin, mais pas auparavant. »


L’exécution de ce programme n’était rien moins que la substitution d’une dictature ouvrière au gouvernement établi. Devant le cri de l’opinion publique, le gouverneur Williams consentit à appeler les milices ; mais il était trop tard : partout la circulation était interrompue et les communications coupées. M. Williams, malgré les opinions qu’il se vantait de professer sur l’immixtion des autorités fédérales dans les affaires intérieures des États, se vit contraint à son tour de recourir à leur appui.