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président du comité d’organisation, et il lui fut alloué sur la caisse sociale un traitement de 2 dollars par jour, plus le remboursement de ses déplacemens et de ses frais. Au sortir de cette séance, Donahue télégraphia, comme encouragement, au comité de Pittsburg et à tous les comités des grands réseaux, la décision prise par les agens de l’Érié. Il adressa ensuite à tout le personnel de l’Érié des instructions ou collectives ou particulières. Quelques-unes des lettres signées ou écrites par lui ont été produites dans le procès qui vient de lui être fait. Le style en est bref, et le sens en est clair.

Aux aiguilleurs des sections de la Susquehanna, de Buffalo et de l’Ouest. — Réseau Erié. — Il vous est notifié par la présente de ne manœuvrer aucune aiguille dans la gare d’Hornelsville. Si vous le faites, ce sera à vos risques et périls. — Par ordre du comité.

Aux mécaniciens des sections de Buffalo, de la Susquehanna et de l’Ouest, — Réseau Erié. — Il vous est notifié par la présente de ne faire sortir aucune locomotive de la gare d’Hornelsville, sauf les locomotives qui conduiraient la malle des États-Unis. Nous ne répondons pas de votre sûreté personnelle en cas de désobéissance à cet ordre. — Par ordre du comité.

Hornelsville, ainsi qu’il a été expliqué, est le point central du réseau Erié. De cette gare se détachent trois grandes lignes qui ont elles-mêmes plusieurs embranchemens. En y suspendant le service, on arrêtait la circulation sur le réseau entier. Après avoir vainement parlementé avec les grévistes, la compagnie recourut aux autorités de l’état de New-York. Le gouverneur Robinson envoya à Hornelsville un régiment de milice ; mais les employés seuls de la gare étaient au nombre de 3,500, et plusieurs milliers d’agens étaient accourus de divers points pour les soutenir. Après une vaine démonstration, les miliciens se bornèrent prudemment à occuper une partie des bâtimens de la gare et à s’y tenir en observation ; 200 hommes avaient été envoyés à Buffalo, mais, à son arrivée, ce faible détachement se trouva entouré par une foule menaçante : il dut se renfermer dans la rotonde aux machines et s’y défendre à coups de fusil. Les émeutiers exigèrent que cette milice fût envoyée hors de la ville, sinon la gare serait incendiée tout entière : déjà l’atelier de peinture pour les voitures était en feu ; le maire céda.

Ainsi partout l’autorité civile était bravée et réduite à l’impuissance. Le service des malles et sur quelques points le service du télégraphe étaient interrompus ; tout arrivage de l’ouest avait cessé. Baltimore et Philadelphie manquaient de viande et appréhendaient de manquer de pain, tandis que six mille têtes de bétail périssaient de faim et de soif dans les trains abandonnés sur les chemins de fer : 14,000 boisseaux de blé avaient été brûlés sur un