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Bulgare est éducable, il est industrieux ; mais sa raison n’est pas mûre et le défend mal contre ses entraînemens. Les Grecs sont l’un des peuples les mieux doués de la terre, et il n’en est pas de plus ambitieux, il n’en est point où soit plus répandu le désir de s’élever par l’étude et le savoir au-dessus de sa condition. Les parvenus de l’intelligence abondent parmi eux ; mais leur ambition leur tourne à piège, le premier venu aspire à tout. Chaque Hellène est le chef d’un parti, et le plus souvent il n’y a que lui dans son parti ; chaque Hellène se promet d’être un jour président du conseil des ministres, et la Grèce est un pays de généraux sans soldats. Le Turc est profondément imbu de la notion de l’état ; il possède ce qu’on peut appeler la vertu politique, laquelle consiste dans l’esprit de discipline et de sacrifice, et dans la subordination de l’individu à la chose publique.

Ce qui vient de se passer prouve jusqu’à l’évidence que vouloir remplacer ou détruire le Turc est une aventure périlleuse ; mais il faut que le Turc soit possible et que Midhat-Pacha ait raison, et il ne sera démontré que cet homme éminent a raison que le jour où il sera rentré dans les conseils de son souverain, le jour où l’inventeur de la constitution sera chargé de la mettre en pratique. Quand la cabale qui a tramé l’exil de Midhat-Pacha ne sera plus toute-puissante, quand celui qu’on a surnommé le vice-sultan n’aura plus l’oreille du maître, l’Europe commencera de croire à l’avenir constitutionnel de la Turquie, et elle ne fora plus difficulté d’admettre qu’on est de bonne foi à Constantinople, que les Osmanlis sont en voie d’obtenir enfin le gouvernement qu’ils méritent, que désormais leurs destinées ne seront plus à la merci "d’une conspiration de harem et de la maladie du sérail. Abdul-Hamid-Khan doit bien cela au sang qui a coulé sur les bords du Vid et du Lom.


G. VALBERT.