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inconnu des Annales de la paroisse, sous prétexte qu’un sujet purement écossais n’aurait aucune chance de plaire au public. Le goût a bien changé depuis, mais il n’en est pas moins vrai qu’un grand talent est encore nécessaire pour faire bien accueillir, au-delà de la tweed, ces tableaux d’une société si différente de la société anglaise, ces paysages austères et ces caractères qui, sous les apparences les plus communes, cachent un fonds naturel de vraie poésie. Et cependant la matière est riche et bien capable de tenter des plumes aventureuses, surtout à une époque où le charme de l’imprévu disparaît rapidement du domaine de la fiction, et dans un temps où les lecteurs, plus avides de nouveauté, plus difficiles à satisfaire et chaque jour plus ennuyés, répètent à l’envi le mot d’un poète du dernier siècle et disent aux auteurs : Amusez-nous, ou nous mourons.

De tous les conteurs que ces récentes années ont vu paraître, M. William Black est aujourd’hui l’un des plus populaires, et c’est à l’Ecosse qu’il doit la meilleure partie de son succès. C’est dans la peinture des mœurs écossaises qu’il a d’abord montré son originalité. Plus heureux que ceux qui l’ont de nos jours précédé dans cette voie et parmi lesquels il suffit de nommer Mme Oliphant et M. George Mac-Donald, il a su faire adopter ses héros et surtout ses héroïnes par une foule de gens qui n’ont qu’une idée assez vague du dialecte des lowlands, et qui n’en ont absolument aucune de celui des highlands. Dans un sujet d’intérêt spécial, recueil des romanciers, c’est l’indifférence du plus grand nombre ; on n’échappe au danger qu’à force d’art et de talent. Il en a fallu beaucoup à M. William Black pour élargir son cadre de telle façon qu’on pût admirer ses personnages et les comprendre sans avoir besoin de vivre dans leur voisinage, ni même de parler leur langue.


I

Dans un fragment biographique qu’il vient de publier, M. William Black veut bien nous apprendre qu’il a tout lieu de croire qu’il est né à Glascow en 1841. Il semblerait que la fantaisie et le caprice ont joué un assez grand rôle dans ses années de jeunesse, car, après avoir entrepris successivement un herbier de la flore britannique, une traduction de Tite-Live et une machine destinée à prouver la possibilité du mouvement perpétuel, le futur écrivain se rabattit sur la peinture de paysage. Cette tentative ambitieuse ayant abouti à ce qu’il appelle lui-même quelques « abominations à l’huile, » l’artiste manqué laissa de côté le pinceau et se mit à la place une plume entre les doigts. Il commença par où d’autres