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pierres à cause de l’ignorance de l’ancien exécuteur, qui donna plus de cent coups à ce misérable, qui languit très longtemps sans pouvoir mourir. » Afin de remédier à la maladresse de l’exécuteur, on imagina d’assurer, quand il s’agissait de la décollation, par la disposition même de l’instrument tranchant, la rapidité et la rectitude du coup. En Allemagne, on adopta une forme particulière pour le glaive, mais en France on s’en tint longtemps à la bâche, que ne savait pas toujours convenablement manier le bourreau. L’infortuné comte de Chalais, cette victime des rigueurs de Richelieu, reçut vingt-deux coups de hache des mains d’un exécuteur maladroit dont ce n’était pas le métier ; De Thou en reçut onze. Il fallut attendre jusqu’à la révolution pour qu’on imaginât cette terrible machine, la guillotine, dont en Écosse on avait déjà eu l’idée depuis plus de deux siècles. Le nouveau genre de supplice, auquel furent condamnés tant d’innocens, consacra d’une effroyable manière le principe de l’égalité devant la peine capitale, comme le nouveau code criminel avait consacré celui de l’égalité devant la loi, et rien n’était plus propre à atteindre ce but que l’adoption d’un procédé pour donner la mort inusité auparavant et auquel ne s’attachaient pas les idées, soit de noblesse, soit d’infamie, attribuées aux supplices antérieurement en usage. Par le pouvoir arbitraire dont il était investi, le tribunal avait au reste souvent substitué au mode de supplice édicté dans la sentence une mort d’une nature analogue pour tous les criminels : d’ordinaire c’était la strangulation qu’on adoptait. On ne faisait que le simulacre du supplice qui aurait dû être infligé. Par exemple, après que le patient condamné à être rompu ou à être brûlé avait été placé sur la roue ou sur le bûcher, le bourreau l’étranglait.

Je viens de dire que divers modes d’exécution capitale étaient tombés en désuétude aux derniers temps de l’ancienne monarchie ; c’était peut-être moins parce que leur atrocité révoltait que parce que leur caractère était devenu insolite. De ce nombre a été le supplice qui consistait à faire bouillir le coupable dans une chaudière. Tel était le genre de mort infligé aux faux monnayeurs des le XIIIe siècle ; il en est fait plusieurs fois mention dans les documens du temps. Ce supplice fut à peu près abandonné dans la première moitié du XVIIe, ainsi qu’en témoignent les archives de la cour des monnaies spécialement chargée de sévir contre le crime de faux monnayage. Un procès-verbal de torture de l’année 1587 nous montre un malheureux condamné à Paris à ce supplice, qui devait lui être infligé aux Halles, lieu alors ordinaire des exécutions ; il supplia ses juges de substituer à cette mort horrible, que, disait-il, il n’avait pas méritée, la pendaison, et promettait, si on lui accordait cette grâce, de faire des révélations. Le document ne dit pas si on se laissa toucher ; il semble même, par la courte note jointe au