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remarqué, d’augmenter presque indéfiniment l’atrocité du supplice, et l’imagination n’est pas demeurée en reste pour inventer des tourmens. Les mœurs d’ailleurs étaient encore au XVIe et au XVIIe siècle singulièrement dures, tout en étant polies, et l’on ne péchait pas par excès de sensibilité. On ne s’apitoyait pas sur un criminel qui souvent avait fait d’autant plus peur que la police étant insuffisante, on avait été plus exposé à être sa victime. De là l’abus de la peine de mort. En outre des crimes déjà énumérés auxquels elle était appliquée, on la prononçait encore avant le XVe siècle pour de simples vols, s’il y avait double récidive, même pour de simples actes de violence. Le mode le plus ordinaire de donner la mort était la pendaison, supplice adopté par le motif que la vie est ainsi plus promptement anéantie, et aussi parce que l’exécution est plus facile, car, si l’on n’avait pas toujours sous la main un glaive bien affilé pour trancher la tête, on avait au moins une corde pour la passer au cou du coupable !

Les Romains exécutaient par strangulation le criminel de haute trahison, mais l’exécution se faisait dans la prison et par un autre procédé que celui qui prévalut chez nous. À la fin du XIIIe siècle, ainsi qu’on le voit dans Beaumanoir, la pendaison était le supplice appliqué à la grande majorité des crimes, tels que meurtre, trahison, homicide, viol, incendie, etc., et l’on ajoutait souvent à ce supplice la traînée sur une claie, ce qui a continué de se pratiquer aux siècles suivans. En plusieurs provinces de France, déjà au XIIIe siècle le vol entraînait la pendaison, comme le montrent les Établissemens de saint Louis. Ailleurs on ne l’infligeait que si le coupable était coutumier du fait ; les premiers vols étaient punis de mutilation, oreilles, pieds coupés, etc. Ce genre de châtiment, qui datait de l’époque barbare, persista pendant une grande partie du moyen âge, quand il s’agissait de punir les mutilations et les blessures faites à autrui, et jusque dans les temps modernes pour ajouter au supplice du parricide : « Qui oste à autre membre, si comme de luy coupper un poing, écrit Boutillier, il doit perdre pareil membre, et avec ce, perd ses meubles, qui sont appliquez au seigneur. » De telles peines n’avaient point été adoptées seulement en vertu de la loi du talion ; elles étaient encore destinées à imprimer aux malfaiteurs une flétrissure visible, et c’est le même motif qui introduisit de très bonne heure dans notre ancienne législation pénale l’usage de la marque, lequel n’a disparu qu’en ce siècle. On marquait le voleur, afin qu’il put être reconnu ; on marquait même le vagabond, le mendiant de profession ; en vertu de la déclaration de 1724, il dut être marqué au bras de la lettre M, Une telle peine imprimait un éternel stigmate à celui qui avait failli, et l’excluait à tout jamais de la société des gens honnêtes ; il rendait son