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des astrologues qu’envers les magiciens. Charles IX et Louis XIII se bornèrent à édicter l’amende arbitraire et la prison contre ceux qui se mêlaient de prédire l’avenir et composaient ou imprimaient des almanachs renfermant des prophéties. L’accusation de magie n’en demeurait pas moins redoutable, et la trop célèbre histoire d’Urbain Grandier en fait foi. Au XVIIIe siècle, tandis que l’impiété courait les salons et les petits soupers, un acte public de sacrilège et l’exercice de la magie dans les campagnes exposaient encore à la peine capitale. Le procès du malheureux chevalier de La Barre le démontre.

Les peines qu’entraînait le crime ou plutôt les crimes de lèse-majesté divine avaient, plus que les autres, conservé ce caractère symbolique, forme détournée du talion qui aux temps barbares appartenait à presque tous les châtimens. Ainsi la peine du feu signifiait que celui qui était rejeté par la société chrétienne comme indigne devait à tout jamais disparaître. Les peines portées contre les blasphémateurs gardèrent jusqu’à la fin une telle physionomie. Les ordonnances de saint Louis, de Philippe de Valois, de Charles VII, sur les blasphémateurs édictent contre eux un châtiment destiné à atteindre l’organe par lequel le crime a été commis, et au XIVe siècle la même peine fut appliquée tantôt à ceux qui avaient parlé irrévérencieusement du roi, tantôt à ceux qui s’étaient rendus coupables d’un mensonge ou d’une escroquerie. En vertu de ces ordonnances, on coupait la lèvre au blasphémateur ; on lui perçait la langue avec un fer rouge ; mais d’ordinaire on graduait ce mode de châtiment. Celui qui ne s’était rendu coupable de blasphèmes que pour la première fois n’était pas si cruellement traité : l’on n’imita pas la sévérité de saint Louis, blâmée au reste par le pape, et qui faisait marquer avec le fer chaud pour un simple blasphème ; c’est seulement à la cinquième récidive que le supplice fut infligé, le coupable avait la lèvre supérieure coupée ; à la sixième, on lui coupait l’inférieure, et à la septième, on lui coupait la langue. Ces mutilations étaient encore consacrées par la législation à la fin du XVIIe siècle, mais elles n’étaient appliquées que pour des cas de blasphème d’une nature si épouvantable qu’on les pouvait assimiler à des sacrilèges. Ainsi nous voyons, en août 1523, un arrêt du parlement de Paris condamner pour blasphèmes exécrables un individu à être brûlé au marché aux pourceaux, après avoir eu la langue percée et avoir fait amende honorable dans un tombereau aux immondices devant l’église Notre-Dame. Une ordonnance du 20 mai 1681, renouvelant en partie les dispositions d’une ordonnance de François Ier, veut que le militaire qui a juré le nom de Dieu ou de la Vierge ait la langue percée d’un fer chaud. En 1766, le chevalier de La Barre, envoyé au supplice sous l’inculpation de paroles impies et de traitement sacrilège d’une image sainte, eut la langue