Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eût reçu des lettres du roi qui en nommait un autre, lequel était l’abbé de La Rivière, et ce fût de cette façon qu’il fit le coadjuteur cardinal : ce qui surprit et fâcha extrêmement la cour. » On voit par ce récit de Mme de Nemours que l’envoi à Rome d’un courrier porteur de la révocation du coadjuteur ne faisait pas à la cour l’ombre d’un doute. Rien pourtant n’était moins exact, ainsi que le prouve la correspondance du bailli de Valençay. Retz mettait à profit ces bruits si bien accrédités pour soutenir que la cour avait signé sa révocation et l’avait envoyée au bailli. Nous ne relevons pas les autres erreurs secondaires de la duchesse de Nemours ; elles ne sauraient échapper à la sagacité du lecteur, comme, par exemple, la substitution de La Rivière au coadjuteur pour la nomination au cardinalat.

Cependant Brienne et Mazarin ne s’étaient pas bornés à adresser au bailli une simple lettre de reproche pour n’avoir pas suscité des obstacles à la promotion du coadjuteur. Brienne, par l’ordre du cardinal, revint plusieurs fois à la charge en lui témoignant toute la mauvaise humeur de Mazarin et de la cour. Le bailli, impatienté de cette persistance à faire peser sur sa tête une responsabilité dont il se croyait pleinement dégagé, répondait à Brienne le 8 avril : «…Mes précédentes vous ont assez expliqué que la promotion ne se pouvait plus retarder. Celle de cette éminence (le cardinal de Retz) a été sollicitée par moi directement ou indirectement, en sorte qu’elle et son agent, l’abbé Charrier, ne peuvent jamais nier qu’elle n’ait des obligations infinies de cette grâce au roi, à la reine, au ministère, même à moi,… et vous verrez mondit sieur le cardinal de Retz en parler infailliblement en ces termes, ce qui fait que je ne m’étends plus davantage en ce discours qui ne pourrait aller plus outre sans me porter à des répétitions de choses dont je vous ai déjà informé… »

Cependant le coadjuteur, informé du bruit qui courait dans Rome et même dans le palais apostolique, qu’il avait été nommé cardinal malgré la cour et Mazarin, se fondait sur ce bruit, qu’il soutenait être la vérité même, pour justifier ses manœuvres hostiles et se faire une arme de ce nouveau grief contre Mazarin. Les plaintes qu’il faisait entendre contre la mauvaise foi du ministre et celle de la cour à son égard étaient parvenues jusqu’à Rome. Le bailli, qui croyait avec d’autant plus de raison s’être rendu impénétrable que, par le fait, il s’était abstenu d’aller au Vatican, pour n’avoir point à s’expliquer, écrivait à Brienne, le 22 avril, ces quelques lignes destinées évidemment à être montrées à Paris :

«… Je puis toujours prouver, sans appréhension de réplique, à cette éminence qu’elle a l’entière obligation de son cardinalat au