Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

promenades et divertissemens du carnaval[1] ; » il feignait de lui confier de très grands secrets, mais ce qui est certain, c’est qu’il était loin de lui témoigner la confiance abandonnée que lui prête le bailli dans ses lettres. Tout en croyant à sa bonne foi, l’abbé ne lui livra jamais aucun de ses secrets.

On était presque à la veille de la promotion, et le pape avait si bien pris ses mesures, que le bailli de Valençay ne se doutait nullement qu’elle dût être si prochaine. Pendant qu’on le tenait ainsi dans la plus complète ignorance, afin de le surprendre dans le cas où il aurait en main la révocation du coadjuteur, lui se glorifiait d’avoir constamment dupé l’abbé Charrier sur les véritables intentions de la cour. « Pour ce qui est de la promotion, écrivait-il à Brienne (12 février), je me suis jusques à cette heure gouverné très ponctuellement suivant vos ordres et les volontés du roi, et le sieur abbé Charrier est, et avec justice, plus que très satisfait de mon procédé et vit avec la dernière confiance avec moi, me donnant part de tout ce qu’il sait et fait. Il a reconnu que leurs majestés ont voulu, jusques à cette heure et de la bonne façon, la promotion de M. le coadjuteur. Et il est si bien persuadé de cela, que, quand toute la terre s’assemblerait pour lui persuader le contraire, l’on n’en pourrait venir à bout, parce que voulant même, et par raison d’état et contre son sens, faire plainte de la cour ou de moi, en mettant papiers sur table, je lui marquerais si précisément les chasses de nos diligences mutuelles, de mes avis et conseils, qu’il faudrait qu’il en vînt à la confession de la netteté de mes déportemens et négociations. Et en cela, disait le bailli, qui faisait intervenir la Providence où certes elle n’avait que faire, j’ai reconnu une grâce particulière de Dieu, qui a voulu que la cour fût contente par le délai de cette promotion, pour tirer des services de M. le coadjuteur avant que de lui en donner la récompense, sans qu’il y ait paru qu’une très grande chaleur de mon côté pour satisfaire à deux commandemens précis d’y travailler incessamment. »

Le bailli ajoutait dans une autre lettre qu’il ne croyait pas que la promotion eût lieu pendant le carême. « Il est vrai, poursuit-il, que l’humeur du pape est telle que l’on ne peut jamais donner de jugemens assurés sur ses résolutions et d’autant que toute la parenté la souhaite d’un côté, pourvu que chacun des neveux et nièces y fasse entrer son homme, et la craint, de peur de ne pas obtenir sa demande. »

L’ambassadeur, qui, en cessant de se rendre aux audiences du Vatican, s’était trouvé dans l’impossibilité d’exécuter les ordres de la

  1. Lettre du bailli à Brienne du 18 mars 1652.