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la même chose que cet été[1]. Le parlement s’assemble quelquefois, mais il ne fait pas grand’chose. M. de Rohan s’est déclaré dans Angers contre la cour. Vous savez que c’est un homme de grand mérite et qui a beaucoup de crédit. On traite d’un raccommodement entre (M. de Chavigny) et moi ; cela doit être fort secret et, si je m’y résous, ce n’est que pour le détacher de M. le prince, et parce que cela peut faire impression sur M. le duc d’Orléans ……… Je me déclare ouvertement dans Paris contre le Mazarin et contre M. le prince… »

Le 9 février, le coadjuteur, tout en donnant à l’abbé des nouvelles du théâtre de la guerre, lui annonçait que sa nomination au cardinalat ne serait pas révoquée tant qu’il ne serait pas réconcilié avec Condé ; elle ne tenait plus en effet qu’à cet unique fil, et il est plus que probable que Mazarin préféra voir Retz cardinal que raccommodé avec M. le prince.

«… Je suis toujours fort bien avec M. le duc d’Orléans, disait le coadjuteur à Charrier. Les gens de M. le prince l’ont fort pressé de faire mon accommodement avec M. le prince ; mais n’ayant pas voulu, il n’en vit pas plus mal avec moi, et leur a nettement déclaré que, nonobstant cela, il ne romprait jamais avec moi, quoiqu’ils l’en importunassent fort.

« M. de Châteauneuf a quitté fort honorablement la cour à l’arrivée du cardinal, et vous pouvez en ce rencontre faire voir que tous ceux qui sont accusés d’être mazarins ne le sont pourtant pas. Au surplus, il ne se passe rien ici de nouveau, tout y est assez calme. L’on a détourné, par un arrêt du conseil, les rentes de l’Hôtel de Ville ; mais le parlement a fait défense de l’exécuter, et a rendu tous les ordonnateurs responsables de ce divertissement… Je ne crois pas, comme je vous l’ai déjà dit, que la nomination soit sitôt révoquée, au moins tant que je ne serai pas d’accord avec M. le prince. On n’a point de nouvelles de l’armée de M. le prince ; les troupes de Monsieur sont ensemble auprès d’Orléans, et à la fin M. de Beaufort est parti pour les aller commander. On dit que Tavannes et M. de Nemours viennent avec quelques autres troupes et des Espagnols pour les joindre. J’ai peur qu’ils ne puissent pas aller jusques-là… »

Pendant ce temps, que se passait-il à Rome ? Le bailli de Valençay, toujours retiré sous sa tente, s’obstinait fort maladroitement à ne pas se rendre aux audiences du pape, et l’abbé Charrier mettait cette brouille à profit pour voir souvent le pontife et pour lui faire peur du retour de Mazarin. Il lui représentait que ses bonnes

  1. Le coadjuteur voulait dire par là qu’il pourrait bien une seconde fois forcer M. le prince à quitter Paris.