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chance de succès, la formation d’un tiers-parti armé, destiné à tenir à la fois en échec Condé et Mazarin et à les exclure l’un et l’autre de la direction des affaires. Il avait fait proposer au parlement de s’unir avec le duc d’Orléans, et le parlement, tremblant de crainte, avait rejeté cette proposition. Ainsi dès le début le tiers-parti recevait un coup mortel. Le parlement avait lancé contre Mazarin des arrêts terribles, et il avait reculé à la seule pensée de les faire exécuter à main armée. Il en avait naïvement confié l’exécution à l’autorité royale. Il n’avait pris aucune mesure ni pour l’attaque ni pour la défense. Seul, le duc d’Orléans, secrètement poussé par le coadjuteur, avait eu quelque velléité de s’opposer par la force à la marche du cardinal. Il avait retiré de l’armée du maréchal d’Aumont ses régimens de la province de Languedoc, dont il était gouverneur, et leur avait adjoint les régimens qui portaient son nom et celui de son fils. Il envoya ces troupes près de la ville d’Orléans, dans laquelle sa fille, la grande Mademoiselle, devait bientôt pénétrer par surprise et qu’elle sut rallier au parti des princes.

Le 24 janvier, il signa avec M. le prince un traité d’alliance. Le coadjuteur n’y était pas compris, mais il était formellement stipulé que le duc le prenait sous sa protection et se réservait le droit de maintenir avec lui une étroite union. Cet article pouvait faire présager une réconciliation, à un moment donné, entre M. le prince et le coadjuteur, et Mazarin, qui avait eu vent du traité, vivait dans une crainte mortelle d’une telle collusion. Sur ces entrefaites, le parlement reçut une lettre du roi, qui contenait un blâme indirect de la conduite du duc d’Orléans (15 février). Le roi se plaignait de ce que « de mauvais esprits » s’étaient servis du nom de son oncle pour faciliter l’entrée en France des Espagnols, réclamée par le duc de Nemours. Le coadjuteur ne manqua pas d’en ressentir le contrecoup et de se voir à deux doigts d’une révocation. Fort heureusement pour lui, la princesse Anne de Gonzague, qui s’était rendue auprès de la reine à Poitiers, défendit ses intérêts avec tant de zèle et d’habileté qu’elle parvint à détourner l’orage.

Dès que la nouvelle du projet formé par Mazarin de rentrer en France avait pris quelque consistance, le coadjuteur, comme nous l’avons dit, avait sur-le-champ expédié à Rome un courrier extraordinaire pour engager l’abbé Charrier à l’apprendre au pape, afin de hâter sa promotion. Il craignait à chaque instant que sa nomination fût révoquée et il faisait jouer tous les ressorts pour suspendre le coup fatal et pour mettre fin aux lenteurs du pape. Il ne doutait pas que la nouvelle de la rentrée en France du cardinal ne produisît à Rome le plus grand effet, et il donnait à l’abbé des instructions détaillées sur la conduite qu’il avait à tenir.