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envoie une députation au roi. Le jeune monarque la reçut d’un air sévère ; il blâma énergiquement l’arrêt par lequel la tête d’un cardinal avait été mise à prix[1]. « Mes officiers ignoraient alors, dit-il, que le cardinal Mazarin revenait en France avec des troupes par notre ordre exprès ; maintenant que je leur en fais part, je m’assure de n’être plus troublé par eux dans l’exécution de mes desseins pour remettre le royaume en paix. » Et, sur cette ferme réponse, il avait congédié les députés. Le parlement n’en tint compte, et, le 25 janvier, il ordonna de nouvelles remontrances par écrit et une nouvelle publication des arrêts rendus contre Mazarin, avec invitation aux autres parlemens de se joindre à celui de Paris. Les parlemens de Rouen et de Toulouse n’avaient pas attendu cet appel pour se déclarer hautement contre Mazarin. Le cardinal, sans se soucier le moins du monde des arrêts de tous ces légistes, qui n’osaient les appuyer par des levées de troupes et qui avaient même défendu que l’on perçût des impôts extraordinaires à cet effet, poursuivait tranquillement sa marche. Le 30 janvier, il arrivait à Poitiers, où résidait la cour, dans le carrosse du roi, qui était allé l’attendre à une lieue de la ville. On peut juger de la joie de la reine à la vue de l’homme qui avait rendu à la royauté et à la France de si grands services et dont le triomphe paraissait désormais certain.

Pendant son itinéraire, Mazarin n’avait cessé d’écrire fréquemment à la princesse palatine, à l’abbé Fouquet ainsi qu’à Pennacors et à Noirmoutier, les amis du coadjuteur, afin que le prélat ne se laissât pas entraîner à quelque parti extrême, tel que sa réunion avec M. le prince, ce que le cardinal redoutait par-dessus tout. Le 1er de l’an 1652, il avait dépêché un envoyé a la princesse palatine et au coadjuteur. Le messager était porteur d’une lettre pour la princesse dans laquelle Mazarin lui jurait qu’il se fiait entièrement à elle et à son ami, disant qu’il les croyait gens d’honneur et que leur intérêt voulait qu’ils fussent bien ensemble et indissolublement unis… « Bien que le coadjuteur se conduise mal, ajoutait-il, et qu’il me témoigne en toutes ses actions sa mauvaise volonté, je suis persuadé que, dans son intérêt, il fera quelque coup à mon avantage, étant impossible qu’il porte jamais Monsieur à la dernière union avec M. le prince, car, en ce cas, il serait perdu avec la princesse palatine, les princes étant leurs ennemis irréconciliables… Je suis ravi de ce que Mme la palatine m’a mandé à l’égard du coadjuteur… Par la confiance que je prends en lui, il voit bien si j’ai aucune réserve et si rien est capable de me faire douter de son amitié, nonobstant

  1. Le 29 décembre, le roi avait fait casser cet arrêt du parlement par un arrêt de son conseil.