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cahier on n’avait demandé ni prévu la vente des biens ecclésiastiques. Maury avouait cependant que « des besoins imprévus ont pu exiger un regard momentané sur le trésor public ; » singulière assertion, on l’avouera, car on sait assez que c’était le déficit des finances qui avait contraint le gouvernement à convoquer la nation. Passant à la question en elle-même, l’orateur de la droite trouvait qu’il y avait un défaut de logique à trancher l’existence politique du clergé avant d’avoir décidé la religion de l’état ; c’était en outre, disait encore Maury, une contradiction de présenter la dette de l’état comme une propriété sacrée, et en même temps de sacrifier la propriété du clergé. Au fond, que veut-on ? Remplacer les capitalistes par les bénéficiera, et réciproquement. En quoi l’intérêt des uns est-il supérieur à l’intérêt des autres ? Que l’on n’oublie pas les services rendus par les ordres religieux, par l’église. Est-il juste, est-il rationnel de décider de l’existence d’un corps par une loi de finance ?

Il y avait beaucoup de vérité dans quelques-unes de ces observations ; mais l’esprit faux de l’abbé Maury l’entraînait bientôt hors du bon sens et de l’intérêt même de sa cause, car au lieu de défendre les cliens dont il était l’interprète légitime, il s’avisait de récriminer contre les créanciers de l’état, qui rendaient une telle opération nécessaire. Il déclamait contre la bourse et contre les juifs. Il se plaignait que « pour enrichir des spéculateurs » (c’est ainsi qu’il appelait l’acte de payer ses dettes) on dépouillât le clergé de ses biens héréditaires. Ces plaintes contre les spéculateurs allaient jusqu’à des invectives, où l’on croirait entendre la voix des démagogues de qu’il dénonçait ce qu’il appelait « le portefeuille, » d’où, disait-il, « dégouttent les sueurs, les larmes et le sang du peuple. » Persistant à faire porter le débat sur cette comparaison imprudente entre les créanciers et le clergé, il disait : « Choisissez entre ces sangsues et nous. » Il dénonçait le crédit public comme « une vaste calamité et le plus terrible fléau. » En entendant de telles erreurs, de telles déclamations de la part des classes dites les plus éclairées de la société, comment s’étonner que les révolutionnaires, organes des passions populaires, aient commis tant de monstruosités économiques ? On voit aussi que les accusations vagues, les soupçons contre la richesse et le capital ne sont pas venus toujours ni d’abord du côté gauche. Enfin, ce qui témoigne de la confusion des idées à cette époque, c’est que le triste Marat, dans son journal l’Ami du peuple, soutenait le même thème que l’abbé Maury, et comme lui accusait l’assemblée, en prenant les biens du clergé, de ravir le bien des pauvres.

Maury était plus heureusement inspiré lorsqu’il essayait de montrer la connexion de toutes les propriétés. « Les nôtres,