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enrichir son trésor n’échappassent pas, à ce qu’aucun préjudice ne fût porté dans la cour à ses droits et à ses revenus. Il eut donc son mandataire, son procureur ou son avocat, qui n’était dans le principe, comme on le voit encore sous Philippe le Bel, que l’agent du roi poursuivant ou défendant en son nom en matière civile. L’ordonnance de 1303 enjoint même à ces procureurs du roi de prêter serment de calumnia, comme les autres plaideurs, toutes les fois qu’ils intenteraient une action, et leur défend de se mêler des causes des particuliers. Chaque bailliage, chaque siège de prévôté importante et même chaque juridiction ecclésiastique eut son procureur du roi : il poursuivait les usurpateurs du domaine ou des autres droits du roi, il devait assister à l’instruction et aux jugemens des causes où le roi était intéressé, et dans ce cas un avocat lui prêtait son ministère. Il dut dès lors intenter des procès criminels dans les cas royaux, tels par exemple que violation de la paix publique, trahison, rapt, etc., et agir concurremment avec les prévôts et les baillis, qui commençaient à avoir la police des crimes privés. C’est ainsi que les procureurs du roi devinrent le point de départ d’une nouvelle magistrature, — ce qu’on appela le ministère public ; elle donna à la poursuite et à l’instruction criminelle bien plus de force et de célérité. Le procureur du roi arriva à être le coopérateur du juge, le promoteur de l’enquête et l’accusateur public, de simple procureur fiscal du roi qu’il était tout d’abord dans les juridictions royales, car chaque juridiction seigneuriale avait son procureur fiscal chargé de défendre les droits du seigneur. L’intérêt social se greffa pour ainsi dire sur l’intérêt fiscal, et le procureur du roi, après avoir été uniquement chargé des cas royaux, finit par intervenir dans l’instruction de toute espèce d’attentats et de crimes, en conservant cependant sa mission de fiscalité. Une ordonnance du 5 décembre 1540 prescrit que tous les avocats et procureurs du roi tiennent un registre des matières criminelles pour en poursuivre la vuidange aux jours assignés, afin que par l’intelligence des parties privées les délits n’en demeurent impunis et ne soyons privez de ce que nous doibt estre acquis par le moyen desdits delicts. Le juge et le ministère public concoururent ainsi à la poursuite du criminel, et c’est cette double intervention qui constitua plus particulièrement ce qu’on entendait dans l’ancien régime sous le nom de procédure extraordinaire, attribuée d’abord à la procédure inquisitoriale avec toutes ses conséquences. Quand la réparation d’un dommage n’était poursuivie que devant les tribunaux civils et que le demandeur privé restait partie principale, le ministère public n’était alors que partie jointe, et c’est cette procédure qu’au siècle dernier on appelait ordinaire. Dans la procédure extraordinaire au contraire, la pénalité était réclamée par le