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entre le torrent de la Diosaz, le Mont-Blanc et le col de Balme. Dès le milieu du XVe siècle, les évêques de Genève le visitèrent quelquefois ; le plus célèbre d’entre eux, François de Sales, y séjourna plusieurs jours en 1606. Quelques souvenirs sont aussi restés du passage d’Henri IV, qui à deux reprises, dans la guerre qu’il fit à la Savoie, pénétra sous le Col du Bonhomme.

Cependant la vallée de Chamonix était demeurée presque inconnue aux populations du lac Léman, et les premiers voyageurs qui la tirèrent de son obscurité en 1741 furent Richard Pococke et Windham. Les deux Anglais, partis de Genève avec une petite troupe armée et équipée comme pour une véritable expédition, car les plus terribles histoires avaient cours sur « la Mont-Maudite » et la barbarie de ses habitans, arrivèrent sans encombre aux Glacières. À leur grand étonnement, ils y trouvèrent une population paisible, policée, qui excellait déjà dans la fabrication du beurre et du fromage, et dont l’industrie s’était d’autant plus librement développée qu’elle n’avait pas eu à souffrir des grands mouvemens politiques et religieux qui venaient expirer au seuil de la vallée. La relation de ce voyage eut un grand retentissement, et dissipa les craintes qu’inspirait le Mont-Blanc. À partir de ce jour, quelques voyageurs osèrent s’aventurer dans la vallée de Chamonix ; pourtant ce ne fut guère que vers le commencement de ce siècle que la Suisse devint populaire, quand les travaux de Saussure et les descriptions de Bourrit, l’historien des Alpes, l’eurent mieux fait connaître, et que Rousseau, puis Goethe, qui la visita, en 1779, eurent mis en lumière ses incomparables beautés. Mais le premier qui posa le pied sur la cime du Mont-Blanc, en 1786, fut le fameux Jacques Balmat, qui devait parcourir jusqu’à l’âge de soixante-douze ans les montagnes où il trouva la mort. Lorsque H.-B. de Saussure apprit cette heureuse expédition, il demanda aussitôt à Jacques Balmat de lui servir de guide. Après plusieurs tentatives vaines, il toucha enfin l’année suivante (1787) le but si longtemps désiré et atteignit le point le plus élevé de la neige qui couronne la cime. Il y passa quatre heures qu’il employa à faire diverses observations. M. Charles Durier raconte ensuite en détail la plupart des ascensions scientifiques qui ont eu lieu depuis de Saussure ; parmi les plus importantes, il faut citer tout d’abord celle, accomplie le 31 juillet 1843 par MM. Charles Martins, Auguste Bravais et Lepileur, dont M. Martins a relaté ici même les résultats si intéressans pour la géologie, la météorologie, la botanique, etc., celles de M. Tyndall, de M. Hodgkinson en 1866, de M. Soret en 1867, enfin en 1874 de M. J. Violle. L’ouvrage de M. Charles Durier contient l’exposé de toutes ces recherches ainsi que des observations faites jusqu’ici sur la flore du Mont-Blanc, sur la condition de la vie animale dans les hautes régions, sur les différens terrains que les géologues ont rencontrés dans ces montagnes, sur le travail d’érosion des eaux et des neiges, sur les glaciers.