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à se ressaisir elle-même, à se concentrer de nouveau, à appeler de nombreux et puissans renforts, et après cela c’est une campagne à reprendre en face des trois armées turques que Méhémet-Ali, Osman-Pacha et Suleyman-Pacha conduisent en chefs habiles. Aux affaires militaires va-t-il s’ajouter d’ici à peu des complications diplomatiques ? C’est là une autre question. Pour le moment, une bataille peut décider du sort de la campagne pour cette année dans la vallée du Danube.


CH. DE MAZADE.


UN EXPLORATEUR FRANÇAIS
L’Afrique équatoriale : Pahouins, Okanda, Osyeba, par le marquis V. de Compiègne ; 2 vol. avec cartes. Plon.


L’Angleterre n’a pas seule le privilège de compter parmi ses enfans des hommes au cœur ardent qui se plaisent à porter au bout du monde le génie de leur race et à étendre ainsi l’influence de la patrie. La France est aussi le pays des aventuriers héroïques ; elle en fait naître à tous les momens de son histoire. Ils abondent au moyen âge ; la féodalité est leur règne. On les retrouve à la renaissance, dans les guerres de religion ; ils se taillent des gouvernemens, voire des principautés. Sous Louis XIV, ils couvrent les ponts des corsaires qui désolent le commerce britannique et portent haut sur les mers le pavillon de la France. De leurs mains vigoureuses, ils fondent les colonies. Aujourd’hui ils n’ont plus l’ambition du temporel ; ils ont d’autres visées, plus hautes. La révolution des idées les a gagnés : ils se tournent vers la science. Les explorations des régions lointaines, inconnues, voilà ce qui les attire et les tente. Au service de cette conquête, ils mettent le même feu, sans s’inquiéter plus qu’autrefois de la récompense.

Victor de Compiègne fut bien un descendant de cette race d’hommes, ennemie du repos, à qui il faut des émotions poignantes, sans cesse renouvelées, pour qui l’action est un besoin impérieux, vital. Le cadre étroit de la vie ordinaire gênait l’expansion de cette nature de feu ; le désert, les forêts vierges, les pays inconnus, la poésie du danger, étaient autant d’alimens nécessaires à sa fougue. Aussi la jeunesse de Compiègne se lassa-t-elle vite des séductions de Paris. Il avait soif du nouveau, et en 1870 il partait pour l’Amérique, peut-être à l’aventure, sans plan suffisamment préparé, mais avec l’idée arrêtée d’être utile à la science et au pays. C’était là le secret mobile de sa détermination. Faire des découvertes scientifiques, explorer des fleuves au cours mal connu, en fixer les sources, c’était son rêve.

Au fond il allait, dans ce premier voyage, apprendre à supporter la misère et faire l’apprentissage de ce métier d’explorateur, pénible entre