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motivée par des raisons bien différentes, était déjà décidée, et la chambre des députés n’était plus qu’une sorte de pouvoir en interdit, menacé d’un instant à l’autre de mort violente. La guerre était déclarée, et M. le président du conseil, M. le ministre de l’intérieur, interprètes de M. le président de la république, avaient signifié son congé à cette chambre dans des termes tels qu’ils n’avaient plus rien à lui demander. Il n’y. avait plus rien à dire ; mais lors même que les contributions directes auraient été votées, toutes les complications n’auraient pas disparu. Il restait et il reste encore une difficulté qui n’est pas moins sérieuse, qui touche à la composition même des assemblées départementales ; Le fait est que légalement une moitié des conseils-généraux est en ce moment soumise à une réélection. Jusqu’ici on avait cru, et des hommes considérables comme M. Dufaure ont pensé ainsi, que, pour rester dans la loi, cette réélection aurait dû précéder la réunion récente. Le gouvernement, choisissant une interprétation plus conforme à sa politique générale, à ses intérêts de circonstance, a cru pouvoir ajourner le renouvellement partiel des assemblées locales à une date qui n’est point encore fixée, qui ne peut cependant dépasser le mois d’octobre. Dans tous les cas, la question restait douteuse, — et voilà des conseils-généraux se réunissant dans des conditions telles qu’ils île peuvent répartir les impôts, que les pouvoirs d’une moitié des conseillers sont expirés ou contestés, sans qu’il y ait un parlement pour régulariser ce chaos, pour remettre un peu d’ordre dans cette incohérence !

C’est en vérité une session étrange à laquelle on n’a pas pu jusqu’ici donner un nom légal. Était-elle ordinaire ou extraordinaire ? M. le ministre de l’intérieur, qui ne craint pas de prendre des libertés avec la loi, a dit lestement dans une circulaire que c’était une « sorte » de session extraordinaire. Il y a un département où un homme de ressource a prétendu que la réunion était « à la fois ordinaire et extraordinaire. » Quelques préfets ont hoché la tête et sont convenus que la question était obscure, que la session ; sans être ni extraordinaire, ni ordinaire, pouvait avoir un caractère « anormal, exceptionnel. » Presque partout il y a eu des protestations, des réserves, des doutes sur la légalité ou la Convenance de la reconstitution annuelle des bureaux, et M. le duc d’Aumale lui-même, dans l’Oise, s’est empressé de déclarer qu’il ne conserverait la présidence que jusqu’à la session prochaine qui suivra ce renouvellement partiel, qu’on élude jusqu’ici, auquel il faudra bien arriver. Ce qu’il y a de plus clair, c’est que les conseils-généraux n’ont pas pu remplir leur mission, qu’une institution utile, essentielle, se trouve presque en suspens gour cause de crise politique, et qu’on se laisse conduire à cette alternative d’accumuler les élections de diverse nature en quelques jours ou de se mettre complètement en dehors de la loi. Il ne faut évidemment rien exagérer, ni la gravité de certains incidens locaux, ni l’importance de certaines irrégularités du moment.