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plaît, dans les mêmes termes, et vous direz en public que, ne voyant nulle certitude à la promotion, je n’ai pas voulu continuer à exposer le nom de son altesse royale et m’exposer moi-même à des refus continuels ; que, bien que le cardinalat soit au-dessus de mon mérite, une prétention trop longue, trop basse et trop affectée est au-dessous de ma conduite ordinaire, de ma dignité et de la considération que la conjoncture des affaires m’a acquis dans le monde ; que je ne me plains pas des longueurs de la cour de Rome, mais que je ne suis pas obligé de m’en payer ; que, si ma nomination n’est pas révoquée, faudra bien que le pape, faisant une promotion, me fasse cardinal ; que, si je ne le suis pas par les accidens qui peuvent arriver, au moins, vous ayant fait revenir, je n’aurai pas passé pour une dupe que l’on aura amusé.

« Vous parlerez comme cela en public, avec beaucoup de douceur, de respect et de modération pour le pape, mais avec une manière de fierté que vous ferez plutôt entendre que vous ne l’expliquerez. Vous direz en particulier et par manière de confidence affectée à ceux que vous traiterez d’amis particuliers, que je ne puis croire que l’on ne me joue, et qu’après m’avoir prêché, trois ans durant, comme a fait le cardinal Panzirole par plusieurs lettres que j’ai, écrites de sa main, de me faire nommer cardinal, il ne serait pas possible que l’on n’eût fait la promotion et qu’on m’eût exposé, dans l’état où sont les affaires de France, à tous les changemens qui y peuvent arriver, si l’on eût eu le moins du monde de bonté pour moi, et vous ferez connaître à quel point j’élève ma réputation en France, en faisant ce que je fais présentement.

« vous direz aussi, je vous prie, à M. Chigi, qu’une des raisons qui m’a obligé est la déclaration que l’on m’a demandée sur le jansénisme, qui m’a étrangement blessé, non pas sur le fond de la chose à laquelle vous lui direz, comme de vous-même, que je ne suis nullement attaché, mais par la forme qui m’est injurieuse. Vous lui ferez voir la lettre que je vous écris sur ce sujet (la lettre suivante), et puis vous lui direz en confidence que vous voyez, par la dépêche que je vous ai fait, que je suis persuadé que la cour de Rome n’a nulle intention de me faire cardinal, et que, comme elle appréhende mon ressentiment pour lequel je me puis servir du jansénisme, l’on me veut désarmer de ce moyen qui me peut rendre considérable, et que je suis persuadé que c’est par cette seule raison que l’on m’a demandé la déclaration ; et vous marquerez toujours au M. Chigi que, dans le fond, je n’ai nul attachement à toutes ces matières, auxquelles, en votre particulier, vous vous montrerez très contraire et par conséquent très affligé que, par l’affront que je reçois, l’on me jette tout à fait dans la nécessité, pour ne pas tomber dans le mépris, de ne me pas brouiller avec des