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de leur sotte conduite à mon égard. Vous pouvez croire que je le dois être encore bien davantage après ce que vous me mandez par votre dernière. Je ne suis pas résolu d’envoyer cette prétendue déclaration (contre le jansénisme) que vous me demandez et c’est la raison pour laquelle je ne vous ai pas dépêché d’exprès. Premièrement je doute fort que cette pensée de M. Chigi soit véritablement celle du pape, qui semble, comme vous m’en parlez, se soucier peu de ces sortes de choses. En second lieu, vous n’avez point de lumières de cette congrégation de cardinaux qui peut vous être adroitement supposée sous quelque autre dessein. Peut-être que ce M. Chigi cherche dans toutes ces difficultés de l’argent aussi bien que des bagues ; prenez-y garde adroitement. Mais au fond, quand j’aurais donné cette déclaration, mon affaire ne serait pas assurée pour cela, et ces fripons chercheraient encore quelque autre raison toute nouvelle pour me chicaner. Vous-même ne croyez pas que cela puisse empêcher la promotion. Quoi qu’il en soit, quand j’en devrais être assurément cardinal, je ne veux pas qu’il paraisse dans le monde que j’aie acheté cette dignité par la vente de ma liberté et de mon honneur, qui se trouverait étrangement blessé par ce procédé. Je doute fort que vous puissiez, en cas que l’on me manquât de parole, retirer de M. Chigi ce que vous lui auriez donné, et je ne veux point mettre sa bonne foi à cette épreuve. Tout ce que je puis faire sur ce sujet est de m’en tenir à la lettre que vous lui avez donnée. Je vous en écris encore (une) de ma main et vous verrez, dans les termes qu’elle est conçue, si vous vous en devez servir et quel effet elle pourra faire en la montrant dans le monde. »

Le coadjuteur passait ensuite à des insinuations menaçantes : « Cependant, et quelque parti que vous preniez là-dessus, vous pouvez représenter à ces messieurs, outre toutes les choses que je vous ai déjà dit là-dessus, qu’il est (de l’intérêt) de la cour de Rome de ne pas allumer en France un feu qui s’éteindrait difficilement et qui pourrait même à la fin embraser plus dangereusement la Cour de Rome ; que ce serait le moyen de réveiller les esprits qui dorment dans une paix chrétienne et fort soumise, et qui, se voyant si puissamment contredits par un acte de cette qualité, ne pourraient plus jamais se soumettre à la décision que je leur dois donner quelque jour, et qui, petit à petit, pourraient même se retirer de l’obéissance de l’église. Je ne doute pas que vous n’enrichissiez fort cette affaire, et que votre esprit et votre zèle ne vous fournissent mille autres belles raisons. Quand je vous aurais dépêché, cela aurait été inutile parce que votre lettre n’étant arrivée que fort tard, avant que l’on eût été à vous, le temps que vous nous marquez pour la promotion aurait été déjà passé et ainsi ç’aurait été inutilement. Car, si elle ne se fait pas dans ces premiers