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y être indifférente. Il annonçait en même temps à Brienne qu’il éviterait la seule audience qui dût avoir lieu avant Noël, en alléguant quelque excuse, et qu’il n’irait voir le pape qu’après la fête des Rois. C’était déclarer nettement qu’il abandonnait au hasard l’affaire du coadjuteur. « Entre ci et là, disait-il à Brienne, je verrai s’il faut en revenir aux caresses ou à la continuation du mécontentement, sauf néanmoins les ordres que je pourrai recevoir[1]. » « Mon procédé a piqué le pape, poursuivait-il dans la même lettre. Il n’a pu s’empêcher d’en témoigner ses ressentimens au sieur abbé Charrier, auquel il aurait bien voulu mettre de la jalousie en tête, de la défiance de moi et par conséquent de la cour, mais je chemine en l’affaire de M. le coadjuteur avec tant de sincérité et de franchise que les diligences du pape de ce côté-là, à mon avis, sont inutiles et sans effet, au moins ledit abbé m’en a donné l’assurance toutes les fois que nous nous sommes entretenus des finesses du saint-père et de ses artifices. »

Dans cette même lettre, le bailli annonçait à Brienne qu’il avait ordonné à un Français chez lequel logeait Montreuil de l’expulser le jour même à cause des discours offensans qu’il tenait contre le roi « et qui sentaient la folie et l’ivrognerie. » L’ordre fut exécuté, et comme Montreuil paraissait être à bout de ressources et peut-être obligé de quitter Rome, le bailli conseillait au gouvernement français d’envoyer des ordres à Lyon et sur les côtes de Provence pour le faire arrêtera son retour en France. En même temps, il enjoignait à tous les Français qui habitaient Rome « de n’avoir aucun rapport avec ce petit infâme, qui méritait les galères. » Montreuil, à partir de ce moment, ne put trouver d’asile chez aucun Français et se réfugia chez un Napolitain. Pour narguer l’ambassadeur, il rendait souvent visite à l’ambassade d’Espagne et au pape, qui affectait de l’accueillir avec une faveur marquée, sans toutefois lui donner le moindre espoir du succès de ses négociations.

Afin de mieux tromper le coadjuteur, Mazarin, après avoir dicté à Brienne les instructions que nous venons de citer, ne cessait, dans ses correspondances avec la palatine, de protester de son amitié et de son dévoûment pour le prélat. Il allait même jusqu’à informer la princesse des manœuvres et machinations qui se tramaient à la cour contre son ami (lettre du 10 décembre). Il était impossible de tenir un langage et une conduite plus en désaccord ; mais il est juste de dire aussi que le coadjuteur ne se faisait pas faute d’agir absolument de la même façon. « Vous savez, écrivait Mazarin à Bartet le 10 décembre, que Mme de Chevreuse et le

  1. Lettre du 18 décembre.