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nombreux genres encore un peu différens de ceux de notre époque, alors il faut supposer que le terrain où nous sommes a été formé pendant la seconde moitié des temps miocènes. Enfin, si nous rencontrons des couches où presque tous les mammifères appartiennent aux mêmes genres, mais non aux mêmes espèces que les animaux actuels, c’est que ces couches sont pliocènes.

Ainsi l’état d’évolution des fossiles peut nous instruire sur l’âge des terrains ; mais nous devons avoir soin de baser nos raisonnemens sur le plus grand nombre d’espèces possible, attendu qu’il y a eu dans l’évolution des êtres une extrême inégalité ; encore de nos jours, à côté des ruminans les plus modifiés, tels que les gazelles, on voit des ruminans tels que l’hyomoschus, qui ont peu dépassé le degré d’évolution des pachydermes. On peut admettre comme loi générale que la longévité d’un type a été en proportion inverse de sa perfection ; les animaux dont les fonctions sont les plus élevées ont nécessairement un organisme plus compliqué : puisqu’ils sont composés de pièces plus variées, ils ont plus de parties susceptibles de changemens ; c’est donc chez eux qu’on peut le mieux surprendre les différences d’après lesquelles les naturalistes ont l’habitude d’instituer les espèces et les genres ; quand on passe d’un terrain à un autre, on rencontre de plus nombreux changemens dans la classe des mammifères que dans les classes des animaux inférieurs. Mais, en dehors de cette loi générale d’auprès laquelle plus un être est élevé, plus il se montre changeant, on constate beaucoup de faits spéciaux d’inégalité dont la loi nous échappe encore totalement, de sorte que, si nous fondions des déterminations de couches sur telle ou telle espèce isolée, nous serions exposés à nous méprendre sur le degré d’évolution de là faune de ces couches et par conséquent à nous méprendre sur leur âge.

Il faut aussi tenir compte des conditions locales. Les événemens physiques ont exercé évidemment une influence. Par exemple, M. Darwin a montré que l’Océanie s’enfonce sous les eaux ; peut-être, par suite de cet abaissement, elle a été séparée de l’ancien monde à une époque très ancienne, et c’est pour cette raison qu’elle est habitée par des marsupiaux dont l’état d’évolution ne dépasse point beaucoup celui dans lequel étaient les mammifères européens vers la fin de l’époque secondaire. Au contraire, le nouveau continent est exondé depuis des temps tellement reculés que, géologiquement parlant, il devrait être appelé l’ancien continent ; il s’ensuit que l’évolution de ses mammifères terrestres a pu être en avance sûr celle des animaux de l’Europe. Pendant longtemps, une portion considérable de nos pays a été recouverte par la mer ; aussi les