Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglaises et permettre aux fabrications industrielles de prendre enfin tout leur essor, mais encore pour y fournir un lest précieux et même, une marchandise d’exportation aux navires qui quittent ce port. D’autre part, les forges aveyronnaises recevront à moindre prix le riche minerai de fer qu’elles vont chercher jusqu’en Espagne, à Bilbao, où sont des gîtes inépuisables, un minerai de magnifique qualité. Elles recevront aussi les minerais du Périgord, non moins utiles, bien que d’un rendement inférieur, les bois de charpente et de soutènement, les goudrons, les brais, dont elles ont besoin pour l’agglomération des charbons menus, sans parler d’une foule d’autres produits. De là naîtra tout un courant industriel et commercial qui profitera à toutes ces régions et principalement à la place de Bordeaux, qui verra croître par centaines de mille tonnes et son importation et son exportation. Et que l’on ne croie pas que les idées que nous défendons nous soient personnelles ou datent d’aujourd’hui. Dès 1679, un ministre à qui rien n’échappait de ce qui pouvait faire le bien de la France, Colbert, écrivait à l’intendant de Guienne : « Dans tous les voyages que vous faites, appliquez-vous particulièrement à tout ce qui peut conserver et augmenter la navigation du Lot. » tout ce qui contribue en effet à diminuer les frais de transport, par cela même contribue à diminuer les distances ; or un Anglais a dit justement : « Après l’invention de l’écriture et de l’imprimerie, je n’en connais pas qui ait fait progresser davantage l’humanité que celles qui ont pour but de raccourcir, de supprimer les distances. »

Pourquoi ne pas faire naître tous ces nouveaux courans vers Bordeaux, pourquoi différer, pourquoi si longtemps attendre ? L’argent de l’état, des départemens, des communes, ne saurait être mieux employé. Seraient-ce nos ingénieurs qui hésitent ? L’administration des mines, il y a quelques années, se plaisait à dresser des cartes où elle indiquait aux yeux, par des lignes et des couleurs appropriées, la concurrence que les houilles britanniques viennent faire aux nôtres jusque sur nos rivages, et à l’intérieur du pays, le long de nos fleuves navigables. C’est démontrer nettement le danger et le moyen d’y parer. Si les cartes de l’administration des mines s’arrêtent à 1858, c’est qu’elle n’a jamais été pressée de communiquer ses documens au public, ni surtout de les faire paraître à temps ; mais on peut être sûr que le danger existe toujours du côté des houilles anglaises, si même il n’a pas augmenté. Nos ingénieurs hydrauliques et maritimes, sans mettre plus d’empressement que leurs « camarades » des mines dans leurs publications, sont peut-être plus qu’eux indécis sur ce qu’il y a à faire pour parer au mal qu’on vient de signaler, et ici, sans vouloir déprécier leurs hautes