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que les aborigènes australiens sont incapables de créer un danger sérieux. Les naturels australiens sont donc occupans du sol au même titre que les kangourous, les opossums et les émeus, et sans plus de droits que ces animaux. Plusieurs fois les cas de ventes de terres faites par des chefs de tribus à des colons se sont présentés, et jamais le gouvernement anglais n’a reconnu la validité de ces transactions. Un de ces marchés annulés mérite une mention particulière, parce qu’il se rapporte aux origines de la florissante colonie de Victoria. Un homme dont le nom est resté célèbre dans l’histoire de cette colonie, John Batman, colon de la terre de Van-Diémen, après avoir vainement sollicité auprès du gouverneur le droit de fonder un établissement sur le territoire alors inoccupé de Port-Phillip, entreprit de se passer de la permission qu’on lui refusait, et conclut en 1834 avec quelques chefs de tribus un traité qui le rendait possesseur d’un territoire d’environ 500,000 acres de terre. Le traité fut déclaré nul par le gouvernement anglais comme contraire au droit exclusif de la couronne sur la terre australienne, droit qui lui avait permis d’établir les diverses colonies de ce continent, et tout récemment encore celle de l’Australie du sud, sans transaction d’une nature quelconque avec les aborigènes.

Eh bien, en dépit de l’abjection de ces aborigènes australiens, nous sommes presque émus de leur sort, car ils sont bien la plus délaissée des races. Gouvernement anglais et société australienne en ont pris à leur aise avec eux, et la religion elle-même, si elle estime qu’ils ont une âme, a fait peu de chose jusqu’à présent pour la tirer de ses ténèbres. Des diverses formes du christianisme, il n’y a jamais eu que le catholicisme qui ait eu du goût pour les sauvages, et le catholicisme n’est pas prédominant en Australie. Quant au protestantisme, il n’a guère changé de sentiment à leur égard depuis le jour où l’illustre Daniel de Foë exprimait par la bouche de son héros Robinson son horreur pour les cannibales. Aussi le total des œuvres entreprises en faveur des aborigènes est-il facile à établir. Dans l’Australie de l’ouest, deux institutions philanthropiques ont été fondées, particulièrement pour les enfans et surtout pour ceux de demi-caste. L’un de ces établissemens, placé dans une localité du nom de New-Norcia, est tenu par les catholiques et compte un chiffre de 34 adultes et de 26 enfans. Le second, tenu par les protestans dans la ville de Perth, compte un chiffre de 22 enfans, dont 8 natifs et 14 de demi-caste. On voit que ces deux établissemens réalisent d’assez près la doctrine du petit nombre des élus. Le gouvernement de l’Australie de l’ouest alloue 100 livres sterling par an à l’établissement de New-Norcia, 1 shilling par jour pour chacun des enfans de Perth et 50 livres par an pour une école tenue par des sœurs de charité. Aussi pauvre