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aux sollicitations de ses ministres. Le 20 avril, il se rendit à l’assemblée, et, après un discours qui fut couvert d’applaudissemens, il proposa la guerre contre « le roi de Hongrie et de Bohême, » c’est-à-dire celui à qui il ne manquait que la formalité de l’élection pour devenir l’empereur François. Les députés approuvèrent, et les hostilités ne tardèrent point à s’ouvrir. — Dumouriez, qui était arrivé à son but, dirigea de loin les opérations de guerre, dont les débuts ne furent pas favorables à nos armes. Le peuple criait comme toujours qu’il était trahi : il ne l’était pas encore; mais il y eut des troubles qui motivèrent le projet d’établir un camp de 20,000 hommes devant Paris. On sait que le refus du roi de sanctionner ce projet ainsi que les décrets rendus contre les prêtres non assermentés entraîna la chute du cabinet girondin. Dumouriez avait eu le temps de se faire ouvrir un crédit de 6 millions pour de soi-disant dépenses secrètes occasionnées par la guerre, et dont une partie considérable paraît avoir servi à solder les émeutiers, les révolutionnaires et les massacreurs de septembre : on trouvera de curieux détails sur ce point dans le livre de M. Masson.

Le roi essaya encore de choisir ses conseillers parmi les hommes de gauche. Le nouveau cabinet, le cabinet Feuillant, était appuyé par Lafayette. Malheureusement la popularité du héros des deux mondes avait baissé, et son influence n’était que d’un faible secours. Les affaires étrangères furent confiées à un ami personnel et enthousiaste du général, le marquis de Chambonas, gentilhomme du midi, un de ces hommes de grande famille qui acceptaient sincèrement la révolution. Chambonas était faible de caractère et manquait d’autorité. Appelé tous les jours devant l’assemblée pour s’expliquer sur les événemens, mal secondé par ses commis et parfois dénoncé par eux, il ne songea bientôt qu’à se démettre d’un pouvoir trop lourd pour lui. Au bout d’un mois, pendant lequel il avait assisté impuissant à l’invasion des Tuileries le 20 juin, il écrivit au roi la lettre suivante (15 juillet) :

« Sire, le sieur Scipion Chambonas, ministre des affaires étrangères, mettant sa gloire à posséder et à tenir des mains du roi le portrait de sa majesté, il ose supplier le roi son maître de vouloir bien lui accorder cette insigne faveur. Ses titres pour l’obtenir sont le respect le plus profond et l’attachement inviolable qu’aura toujours pour le roi Louis seize — le ministre des affaires étrangères. »

C’était la formule pour offrir sa démission ; le roi écrivit bon en marge et confia le portefeuille par intérim à M. Du Bouchage, ministre de l’intérieur. Enfin, le 1er août, il prit le parti de s’entourer d’hommes sûrs pour tenter la résistance, après avoir si peu réussi par les concessions. Mais il était trop tard; déjà les jours du roi