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pour conseiller au roi de céder à la volonté du peuple en se rendant à Paris. On sait sous quelle escorte le descendant de Louis XIV quitta le château du grand roi pour venir habiter au palais, depuis longtemps désert, des Tuileries. Les administrations durent aussi se transporter dans la capitale : le ministère des affaires étrangères occupa deux maisons situées l’une rue de l’Université, l’autre rue de Bourbon, aujourd’hui rue de Lille, et communiquant l’une avec l’autre. Le dépôt seul resta à Versailles, et les autres bureaux prirent possession de leur nouvelle résidence, au grand déplaisir des commis. Ces derniers eurent à supporter des frais considérables dans ce déménagement inattendu, et cela en même temps que la loi de finance pour l’année 1790 diminuait leurs traitemens. Montmorin dut en effet, dans la discussion du budget, consentir à des réductions sur tous les services. Lui-même, il ne devait plus toucher à l’avenir que 200,000 francs; prévoyant cette réduction, il l’avait lui-même demandée : il est vrai que ses créanciers en souffraient plus que lui-même.

Outre les questions budgétaires, mille circonstances diverses appelaient le ministre à prendre la parole devant l’assemblée. Comme les ministres anglais, il était toujours sur la brèche; on le harcelait de questions, on lui demandait des explications à tout propos. Il avait accepté sans arrière-pensée sa nouvelle situation de ministre constitutionnel et répondait de bonne grâce. On était à la première période de la révolution, à l’âge de l’enthousiasme : de bonnes paroles, de chaleureuses protestations de dévoûment, des complimens à l’assemblée issue de la nation, ne manquaient pas de soulever des applaudissemens. Montmorin, comme Necker, son chef de file, comme Malouet et d’autres royalistes, croyait à l’union possible de la royauté avec la liberté. Il était tout à fait sincère dans son rôle. Aussi était-il bien vu dans l’assemblée. — Pendant l’été de 1790 se place un fait assez important qui marque le premier empiétement du législatif sur l’exécutif en matière de politique étrangère. Le cabinet avait, grâce à Mirabeau, remporté un demi-succès, fort compromettant déjà pour la royauté, dans la question du droit de paix et de guerre : la couronne conservait le droit de déclarer la guerre, mais avec le consentement de la représentation nationale. Le même Mirabeau, — chose singulière à une époque où il était payé, sinon acheté par la cour, — fit nommer un comité diplomatique pour réviser les traités conclus depuis trente ans avec les puissances voisines. Créé d’abord pour cet objet spécial, consulté plus tard sur la question de savoir si la France devrait s’unir à l’Espagne dans le cas où cette puissance, menacée par l’Angleterre, invoquerait le pacte de famille, le comité finit par devenir permanent.