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leurs frères des autres colonies, à l’exception de ceux du nord de Queensland. Fondée en 1827, sur des indications peu précises, par quelques milliers de pauvres émigrans mal renseignés qui furent déposés sur ce rivage, médiocrement hospitalier, par un certain capitaine Freemantle, dont le nom est resté au port où il débarqua, c’est à peine si cette colonie compte aujourd’hui plus de 25,000 habitans : un maigre accroissement comparé à celui de l’Australie du sud, qui est encore plus jeune qu’elle, ou à celui de Victoria ; mais aussi que de difficultés pendant des années ! Les moissons, insuffisantes, étaient dévorées par la rouille et les papillons, et, lorsqu’elles étaient bonnes, le colon mourait encore de faim sur ses gerbes, les distances et l’absence de routes rendant impossibles le transport et l’échange de ses grains. Les conditions du sol, fertile seulement par places, avaient contraint cette faible population à s’essaimer sur des espaces trop vastes, et les aborigènes, enhardis par cette solitude des colons, tombaient sur les fermes isolées, enlevant les bestiaux, brûlant les habitations, massacrant les femmes et les enfans. De cette détresse sortit une idée désespérée : pourquoi l’Australie de l’ouest ne serait-elle pas frappée de la bienfaisante malédiction sous laquelle prospéraient ses sœurs ? C’est en 1834, sept ans après la fondation de la colonie, que cette idée se présenta pour la première fois ; mais comme elle partit d’un point très particulier, des environs du détroit du roi George, où un essai d’établissement pénitentiaire avait déjà été tenté en 1826, les habitans des autres régions repoussèrent la pétition qu’on leur proposait de signer. Les années passèrent, toujours difficiles, toujours précaires, et l’idée reparut en 1845. Cette fois la pétition circula à travers la colonie entière, elle fut cependant encore repoussée. Enfin en 1849 il fallut se rendre. Les colons demandèrent alors formellement au gouverneur que l’Australie de l’ouest devînt colonie pénitentiaire. Leur désir fut exaucé avec d’autant plus d’empressement que c’était justement l’heure où les autres colonies demandaient avec véhémence à ne plus recevoir de convicts. En dix ans, la colonie reçut plus de 10,000 déportés, près de la moitié de sa population libre, et elle put engraisser sa maigreur de leur budget et embellir sa nudité de leur travail. Au bout de ces dix ans, il fallut cependant renoncer à cette prospérité, sur les remontrances des autres colonies, qui prétendirent, à tort ou à raison, que les convicts, une fois libérés ou conditionnellement pardonnes, quittaient l’Australie de l’ouest pour venir infester leurs régions plus heureuses ? mais le séjour des convicts y avait été assez long pour sauver la colonie de l’état misérable où elle se débattait depuis son origine. Comme en Tasmanie, l’Angleterre continue de payer les frais d’entretien des