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était rien. La même méthode fut suivie l’année d’après, avec le même genre de succès plus apparent que réel, en Aquitaine ; mais César dut faire appel à toutes les ressources de son génie pour venir à bout des cantons armoricains. Revenus de leur première surprise, ils s’étaient ligués pour chasser les intrus. Cette campagne achevée, il fond sur les Morins et les Ménapiens de la Belgique et les réduit à la plus complète impuissance. La conséquence de toutes ces guerres préliminaires était que la Gaule, attaquée à l’improviste, sans entente, sans union, était frappée sur tous les points de sa circonférence. César se flattait déjà de venir facilement à bout des résistances du centre, qui n’avait pas encore bougé.

Bougerait-il? on pouvait en douter, et c’est ce qui explique la résolution que prit César de frapper un grand coup sur les imaginations à Rome à la fois et en Gaule. Il voulut porter la terreur du nom romain jusque dans les profondeurs de la Germanie, jusque dans l’île sacrée de Bretagne, qui semblait défier le monde à l’abri de sa ceinture océanienne. Il partit pour le Rhin avec l’assentiment des chefs gaulois, qu’il avait convoqués de nouveau et dont il cherchait à capter les sympathies en se montrant encore une fois leur protecteur contre la Germanie. Il jeta sur ce fleuve redoutable le premier pont qui eût encore de ses piliers coupé ces ondes vierges, il campa sur la terre germaine et défia dix-huit jours durant les Suèves retirés dans les profondeurs des forêts. Mais il n’alla pas plus loin, craignant de ne pouvoir nourrir son armée dans ce pays sauvage, et redescendit vers le nord pour traverser le canal britannique et soumettre les Celtes d’outre-mer. En réalité ses deux premières expéditions de Germanie et de Bretagne furent stériles. S’il se vanta d’avoir terrifié les Suèves, qui n’avaient pas osé l’attaquer, ceux-ci purent se glorifier de l’avoir attendu de pied ferme, et s’il infligea quelques revers aux Bretons insulaires, ces Bretons purent penser qu’ils n’avaient pas en vain compté sur leur alliée la mer pour le forcer à regagner bientôt le continent. A Rome, on fut émerveillé. En Gaule, où l’on voyait les choses de plus près, son prestige subit une atteinte. C’est au point que les Morins et les Ménapiens, riverains de l’Océan, crurent qu’ils pourraient impunément harceler l’armée de retour. Ils en furent châtiés par une dévastation implacable. César jugea qu’il ne pouvait se dispenser de descendre une seconde fois en Bretagne, et il emmena avec lui les chefs gaulois dont il se défiait. Dumnorix l’Éduen, qui fit mine de vouloir rester sur la terre ferme, fut même assassiné par ses ordres. Cette seconde expédition fut plus glorieuse que la première, en ce sens que les Bretons furent plus d’une fois battus et durent demander la paix. Il était temps. César recevait des nouvelles inquiétantes de la fermentation qui agitait la Gaule entière.