Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Angleterre, — où tant de jeunes misses devront se résigner au baiser surpris sous les branches du parasite sacré, — sait-on qu’on voit passer le dernier débris de la religion celtique? Il n’est pas étonnant que cet étrange arbuste, dont on ne comprenait pas la poussée sur les rameaux moussus et qui ressemblait à une greffe céleste, ait fait l’effet d’un arbre de vie divine, et que son suc ait passé pour une panacée préservant de toutes les causes de mort et portant, bonheur dans toutes les entreprises.

Les druides étaient donc essentiellement médecins-sorciers. C’est à la connaissance et à l’emploi plus ou moins judicieux des simples poussant naturellement sur notre sol qu’ils ont dû leur crédit auprès des populations, ce qui confirme la supposition de leur indigénat. Ce ne sont pas les nouveau-venus qui savent les vertus bienfaisantes des plantes du terroir envahi. Il faut pour cela des siècles de familiarité avec la flore du pays. C’est ce qui explique aussi pourquoi les immigrans des époques plus rapprochées de la conquête romaine acceptèrent volontiers l’autorité religieuse de ces mires qui savaient cueillir les herbes salutaires avec les formalités requises, dans le quartier favorable de la lune et en prononçant les paroles magiques qui leur communiquaient la force divine. Les envahisseurs durent s’incliner devant les druides à peu près comme les Franks et les Northmen devant le savoir mystérieux du clergé chrétien. Du reste d’autres indices plaident encore en faveur de leur haute antiquité. Ainsi le sacrifice humain constituait l’un de leurs rites les plus essentiels. La chose en elle-même n’a rien d’extraordinaire, puisqu’on retrouve ce rite cruel à l’origine de la plupart des cultes; mais ce qui commande l’attention, c’est la raison qu’ils donnaient au temps de César pour motiver les hécatombes humaines qu’ils brûlaient dans de grands mannequins d’osier. Aucune offrande, disaient-ils, ne peut apaiser le courroux des dieux aussi sûrement que celle de la vie humaine, — ce qui signifie qu’a l’origine la chair humaine passait pour le premier des régals, qu’on s’en priva par devoir avant de s’en abstenir par répulsion et que l’on continua d’en faire le festin des dieux. Ce fut un progrès signalé que de réserver pour cet affreux banquet les voleurs et les assassins. Toutefois, dit César, quand on n’avait pas de criminels en nombre suffisant, on descendait jusqu’aux innocens pour compléter le chiffre voulu des victimes. Lorsque l’autorité romaine voulut mettre fin à ces odieux auto-da-fé, on s’avisa d’un diminutif qui rendait hommage au principe sans trop révolter le sens moral. Au lieu d’égorger les victimes, on se contenta d’en tirer quelques gouttes de sang devant l’autel.

Les druides, avant tout mires, sorciers, incantateurs, « race de devins et de médecins, » dit Pline, ont dû évidemment se servir de