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dans un jugement aussi. passionné toute une race qui a produit les Éponine et les Boadicée.

Parmi les traits plus authentiques qui paraissent avoir caractérisé nos ancêtres gaulois, il faut compter un goût très vif pour l’éloquence. Si l’on en juge par les discours résumés très librement, mais avec une grande exactitude de fond, par l’auteur des Commentaires, les orateurs n’étaient pas rares chez eux, et le pouvoir de la parole était grand. Les guerriers entre-choquaient leurs armes en signe d’applaudissement. On sait que l’Hercule gaulois, probablement très mal nommé, entraînait les hommes avec des liens qui sortaient de sa bouche. Strabon a remarqué aussi la vivacité avec laquelle les Gaulois prenaient fait et cause pour leurs voisins opprimés, lors même qu’ils n’avaient rien à redouter pour eux-mêmes. C’est encore un noble trait resté dans notre caractère français. S’il nous a fait commettre plus d’une bévue, il nous fait trop d’honneur pour que nous songions à le rabaisser.

Un grand malheur, c’est que nous n’ayons à notre disposition sur l’histoire de la Gaule antérieurement à la conquête romaine que les plus rares et les plus vagues données. Le livre de Timagène, qui parcourut la Gaule au commencement de notre ère et qui en écrivit l’histoire, ce livre, encore lu par Ammien Marcellin, est perdu, et nous sommes réduits sur la plupart des points à des conjectures. C’est presque uniquement par la voie réflexe, en raisonnant sur les faits attestés par César, Tite-Live, Strabon, Diodore, par le premier surtout, que nous pouvons nous représenter jusqu’à un certain point ce qui a pu se passer avant eux. Quelle malencontreuse idée ont eue les druides, cette corporation probablement très surfaite, de s’opposer avec la ténacité d’un sacerdoce ignorant à l’emploi de l’écriture pour la conservation des traditions et des chants populaires ! Ce n’est pas une compensation, c’est un dédommagement que de pouvoir, comme on y est parvenu grâce aux méthodes modernes, reconstituer d’une manière à peu près complète un type extrêmement remarquable de héros gaulois au moment où la Gaule va perdre son indépendance. Vercingétorix se présente désormais à nous sous des traits réels et vivans, et s’il est vrai qu’une nation se peint dans ses grands hommes, rien n’empêche de prendre le jeune et courageux Arverne pour le type le plus pur de sa race, son histoire comme le cadre le mieux disposé pour y faire rentrer tout ce que nous savons de positif sur nos origines nationales.


II.

La biographie de Vercingétorix par M. Francis Mounier, malheureusement mort depuis peu, est une œuvre remarquable de science