Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/818

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
812
REVUE DES DEUX MONDES.

temps les jeunes gens se retirent en jetant dans l’air des cris aigus et prolongés que répète l’écho des montagnes et qui leur servent à marquer leur joie. Ce n’est que dans les fêtes les plus importantes que la danse reprend le soir après le dîner.

L’origine du zortzico remonte évidemment à une époque fort reculée, quoiqu’il ait beaucoup perdu de son caractère par suite de modifications et d’altérations successives; ainsi la jota aragonaise, introduite à la fin pour animer la danse, n’est pas du tout dans le ton général de l’air primitif, un peu lent, grave et doux ; de même aussi ces pas fantaisistes, quelques-uns empruntés aux danses modernes ou étrangères et qui voudraient tenir lieu de l’antique jeté-battu, si solennel, si correct. Néanmoins l’honnêteté est si grande dans le peuple basque, telle est la décence et la réserve qui président à ces réunions, que les prêtres eux-mêmes ne se privent pas d’y assister, non plus qu’au jeu de paume, et l’on cite certain curé de Bilbao qui obligeait tous ses jeunes paroissiens et paroissiennes à prendre part à la danse, disant qu’en public on ne pèche pas.

Or, chaque année, à Azpeitia, et le premier jour de la fête, un zortzico est dansé sur la place publique; mais pour cette fois les garçons, en manière d’amusement, cèdent leur tour aux jeunes filles. Vers trois heures, au sortir de vêpres, les danseuses se présentent coiffées du béret rouge et se tenant par la main. La place, entourée de gradins, est bornée au sud par l’Urola, au nord par la maison de ville; la municipalité n’a pas d’estrade réservée, mais préside du haut du balcon. Du reste tout se passe comme dans le zortzico ordinaire : le salut aux autorités, la promenade accompagnée d’entrechats et de jetés-battus; quatre jeunes filles sortent alors de la place, précédées de l’alguazil, puis triomphalement, béret à la main, ramènent le premier élu qui de bonne grâce se laisse conduire et saluer d’un pas de danse par la coryphée : c’est d’ordinaire un jeune homme connu de la ville; chaque danseur est reçu ensuite avec le même apparat, au milieu des cris de joie et des applaudissemens de la foule qui s’amuse de l’embarras et de la confusion des acteurs. Quoi qu’il en soit, je goûte bien mieux le zortzico dans sa pureté, dansé, comme il doit l’être, par des hommes, et même je dirai que ces exercices chorégraphiques exécutés par une femme, dont la robe bat les chevilles et gêne les mouvemens, n’ont rien en somme que d’assez disgracieux. Après la jota et le galop final auxquels se mêlent tous les spectateurs, les danseuses, avec leurs danseurs, sont reçues par la municipalité dans le grand salon de l’hôtel de ville et assistent alors du haut du balcon à la course de novillos qui suit immédiatement le zortzico.

On appelle course de novillos celle où ne sont engagés que de