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dans la guerre civile et qui la fomente par un désir violent qu’elle a d’être honorée du cardinalat et du ministère. »

Un conseiller, Camus de Pontcarré, demande un arrêt semblable à celui qui fut rendu autrefois contre l’amiral de Coligny, condamné à mort en 1569 par contumace. Durant de Croissy dit qu’il est de l’avis de Pontcarré et demande que la tête du cardinal Mazarin soit mise à prix. Ce jour-là, il n’y eut personne dans le parlement qui ne blâmât et ne traitât d’extravagante cette proposition, qui devait être accueillie quelques jours après à l’unanimité par ce même parlement. L’arrêt qui intervint faisait défense « à tous gouverneurs de donner passage ni retraite au cardinal Mazarin; injonction à tous les sujets du roi, qui étaient avec lui, de le quitter dans un mois, et invitation aux autres parlemens du royaume à rendre arrêt semblable. »

Voici comment le coadjuteur, dans une lettre à l’abbé Charrier, en date du 15 décembre, cherchait à colorer son rôle dans la séance du parlement où il avait été si malmené par Machault-FIeury. « J’étais, lui dit-il, présent à l’arrêt du parlement que je vous envoie. Vous trouverez ici une copie de mon avis, qui fut fort bien reçu, duquel vous vous servirez, si vous le jugez à propos, et pourtant secrètement. Le parti de M. le prince voulut m’entreprendre, et, dans la suite des opinions, M. de Machault-FIeury ayant fait un long discours contre les ecclésiastiques, qui tournait directement contre moi, ayant aussi été averti qu’il voulait se déterminer plus particulièrement, je fus obligé de l’interrompre, ce qui fit d’abord quelque bruit; mais, ledit Machault ayant voulu reprendre et s’attacher personnellement à moi sur le sujet du chapeau, il se fit une huée épouvantable sur lui qui fut reprise à trois diverses fois, parce qu’il voulait toujours recommencer. M. le duc d’Orléans ajouta, à tout ce qui fut dit dans la compagnie contre lui, qu’il poursuivait le chapeau pour moi depuis dix-huit mois et qu’il s’étonnait qu’il en voulût parler. En sorte que ledit sieur de Machault fut obligé de se taire, et la délibération fut tenue aux termes de l’arrêt que vous lirez... »

Dans une autre lettre à l’abbé Charrier en date du 18 décembre, le coadjuteur, revenant sur cette affaire, disait qu’il avait assisté à l’arrêt rendu contre Mazarin, ce qui paraît vraisemblable, puisqu’il ne fut pas donné suite ce jour-là à la proposition de mettre sa tête à prix.

La position du coadjuteur était devenue de plus en plus difficile. Il fallait qu’il se déclarât ostensiblement pour ou contre le cardinal. Ce fut ce dernier parti qu’il embrassa résolument. Il n’y avait plus de temps à perdre. Le duc d’Elbeuf, gouverneur de Picardie, venait