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il se déclarerait pour ou contre les intérêts du saint-siège dans les états-généraux, dont la convocation avait été fixée à Tours, mais qui n’eurent pas lieu. « M. le nonce, mandait-il à l’abbé, écrira par cet ordinaire sur les états-généraux, et sur le mal ou le bien que je puis faire pour l’intérêt de Rome, et fera voir comme il est assez difficile que je me puisse résoudre, sans être cardinal, à me brouiller avec la chambre de l’église, ni même avec celle du tiers-état, les affaires de France et celles de ma fortune étant présentement à tel point qu’à moins que de vouloir déchoir, ce que je ne puis me conseiller à moi-même, il faut que je sois cardinal ou chef de parti, et vous pouvez croire que cette dernière qualité oblige ceux qui sont dans les états à ne se brouiller avec personne. Il faut traiter cela fort délicatement, parce que, si cela d’un côté peut faire peur à Rome, de l’autre il peut faire espérer que je soutiendrai toujours, si je n’étais pas cardinal, une faction dans le royaume qui peut-être ne déplairait pas à beaucoup de gens au pays où vous êtes. Vous y mettrez le tempérament nécessaire, je m’en remets bien à vous[1]. »

Toute question d’honnêteté mise à part, les moyens dont se servait le coadjuteur pour hâter sa promotion ne manquaient assurément pas d’habileté. Il se défendait d’être janséniste, il soutenait même qu’il ne s’était jamais occupé de ces matières; mais il faisait glisser à l’oreille du pape, sans que celui-ci pût se douter que cela venait de lui, qu’il ne serait pas prudent de lui faire essuyer un refus. Le pape était dûment averti que, dans toutes les questions qui, selon toute probabilité, devaient s’agiter au sein des états pour ou contre la cour de Rome, la conduite du coadjuteur y dépendrait uniquement de la tournure que prendrait son affaire du chapeau. Si Retz le recevait avant l’ouverture des états, il s’y montrerait le vigoureux défenseur des intérêts de Rome, à l’égal du cardinal Du Perron; s’il entrait dans les états sans la pourpre, la cour de Rome n’y trouverait pas contre elle de plus fougueux gallican. On a tout le secret du jeu.

Dans sa fiévreuse impatience de recevoir le chapeau et dans la crainte perpétuelle d’une révocation, il envoyait à l’abbé courriel sur courrier, lettres sur lettres : « L’on a reçu dès dimanche dernier les nouvelles de l’arrivée du premier courrier, écrivait-il à son confident le 27 octobre, par une lettre de M. L’ambassadeur et une autre de l’abbé de Barclay (un autre agent que Retz avait envoyé à Rome bien avant l’abbé Charrier). À ce que l’on peut juger de leurs discours, on espère le succès tout entier de votre négociation. Si elle traînait en longueur, vous ferez tout ce que vous aviserez pour

  1. Lettre du 27 novembre 1651.