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la chambre du tiers-état, on se prépare à remuer la question qui fut combattue par le cardinal Du Perron, et qu’il est très important que je sois cardinal en ce temps pour soutenir avec plus d’effort les intérêts de Rome... » — « Vous pouvez représenter au pape, écrivait-il à son confident le 25 novembre, et de la part de son altesse royale (le duc d’Orléans), et de vous-même pour moi, que les états-généraux approchent, dans lesquels on ne manquera pas d’occasions pour servir l’église et le saint-siège, et de s’opposer à beaucoup de factions et de propositions qui se préparent sur ce sujet. Je crois que sur ce point vous devez représenter les services que j’y puis rendre, d’une manière qui marque, sans menace et avec respect, que j’aurais moyen de faire le contraire, et que l’obligation que le pape acquerra sur moi ne sera pas perdue, ni en cette occasion, ni en plusieurs autres. Vous lui marquerez en même temps qu’il est difficile que, sans la dignité de cardinal, je puisse juger à propos pour moi de me brouiller, en l’état où je suis et au personnage que je joue dans les affaires de France, avec la chambre du tiers-état, qui, indubitablement, attaquera Rome par les propositions qui ont déjà été faites aux autres états. Je crois qu’en présence du pape vous ne pourrez pas aller plus loin; mais il me semble qu’il ne serait pas mal à propos de lui faire insinuer, par les intelligences que vous avez à Rome, qu’en l’état où sont les affaires de France, et dans la considération que je m’y suis acquise jusque-là, je ne puis pas demeurer indifférent pour mon propre honneur; et pour ne pas déchoir, il est juste que je me soutienne en faisant du bien ou du mal, ce qui dépend du traitement que je recevrai. Sur ces dernières lignes, vous devez plutôt vous laisser entendre que vous expliquer. Comme vous avez toujours été un très grand fourbe, disait-il à l’abbé en manière de compliment, je ne fais point de doute que vous ne vous démêliez fort bien de cette commission... Vous vous souviendrez sur ce même article, ajoutait-il, de montrer le jansénisme comme une chose à laquelle le ressentiment me peut engager, quoique je n’y aie pris encore aucune part. »

Ainsi le coadjuteur faisait avertir secrètement le pape que, s’il était nommé cardinal, l’église romaine n’aurait pas de plus ardent défenseur de ses privilèges et de ses doctrines, sinon qu’il s’armerait contre elle de toutes les libertés de l’église gallicane et qu’il ferait cause commune avec les jansénistes.

Lorsque, sous la régence, l’abbé Dubois fut pris pour le chapeau d’une folle et irrésistible passion, il remua ciel et terre, il mit en mouvement pour le briguer, le régent, le roi d’Angleterre, l’empereur, le roi d’Espagne, il subordonna la politique de la France à son unique affaire, il dépensa jusqu’à 8 millions pour la faire réussir, et, à la mort de Clément XI, il offrit la tiare à qui lui donnerait