Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/754

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie à cette solidarité dont on devrait s’efforcer de la dégager.

Aux maux du régime actuel, il n’y a qu’un seul remède, l’abrogation de l’impôt solidaire; en dehors de là tout n’est que palliatif. Constituée comme elle l’est, la commune ne saurait être privée de ses droits vis-à-vis de ses membres; tout ce que peut faire l’état, c’est d’en tempérer et d’en surveiller l’exercice. C’est là le seul remède actuellement possible, et en Russie comme partout ce remède est un péril. Il est à craindre qu’en les voulant réglementer et contrôler, on ne débilite et ne compromette les libertés communales. Le danger de toute entreprise de ce genre, c’est, sous prétexte de soustraire les paysans à la tutelle des communes, de mettre les communes elles-mêmes en tutelle.

L’acte d’émancipation avait créé pour cette grande liquidation du servage des magistrats spéciaux appelés arbitres ou mieux médiateurs de paix (posredniki). Ces fonctionnaires, choisis parmi la noblesse locale, avaient pour mission dérégler les différends des anciens serfs avec leurs anciens seigneurs, et en même temps de contrôler la nouvelle administration des communes de paysans. Les arbitres de paix n’ont que médiocrement réussi dans ces doubles fonctions. Accusés par la presse d’incurie, d’arbitraire, voire de vénalité, ces médiateurs ont été licenciés en 1874. À ces juges individuels, une loi a, pour plus de garantie, substitué dans chaque district un bureau ou comité pour les affaires des paysans[1]. Ce bureau est présidé par le maréchal de la noblesse du district; il est composé de quelques autorités locales, et en particulier de l’ispravnik, ou chef de police, d’un juge de paix honoraire, nommé par le ministre de la justice, et enfin d’un membre permanent (nepremennyi tchlen) nommé par le gouvernement sur la présentation des zemstvos, assemblées plus ou moins analogues à nos conseils généraux. Ce membre permanent, véritable successeur des médiateurs de paix, est chargé personnellement de l’allotissement des terres et des conventions de rachat provenant de la liquidation non encore achevée du servage. Toutes les autres affaires sont soumises au comité.

C’est au comité de surveiller la régularité des élections communales, et de confirmer dans leurs fonctions les starchines élus des volostes; c’est à lui de déférer aux tribunaux les fonctionnaires ruraux coupables d’un crime ou d’un délit, et de recevoir les réclamations contre les décisions vexatoires des assemblées communales; c’est à lui enfin de sanctionner les sentences d’expulsion prononcées par les communes contre un de leurs membres, et de casser les

  1. Ouezdnoé po krestianskim dêlam prisoutstvié.