Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/716

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un misérable échec ou d’avoir recours à tous les artifices des coalitions compromettantes, à toutes les armes administratives, à tous les moyens de pression, de répression ou d’intimidation. Entraîné par la périlleuse logique de ce rôle de sauveur qu’il s’est gratuitement donné et qui peut conduire à de singulières extrémités, il s’est fait une obligation du succès, au risque de passer pour abuser de tout, du nom de M. le président de la république comme du reste et d’affaiblir d’avance l’autorité de la victoire qu’il pourrait obtenir par la manière même dont il l’aurait conquise. D’une épreuve qui n’a rien que de simple et de régulier dans un régime constitutionnel, on a fait une sorte de partie où l’on peut tout perdre, et où en gagnant on ne sait si on n’aura pas tout simplement travaillé pour des alliés menaçans; voilà la question telle qu’elle se dégage de toute une politique, d’une série d’actes et de procédés qui sont comme les préliminaires significatifs de ces élections au terme encore incertain.

Que le gouvernement se croie tout permis dès qu’il s’agit de combattre des adversaires que, par un artifice dont il n’est pas lui-même dupe, il se plaît à confondre sous le nom de radicaux, c’est possible; mais évidemment il y a dans le cabinet des hommes trop éclairés, trop expérimentés pour ne pas comprendre tout ce qu’il peut y avoir de dangereux dans ces délais, ces subterfuges, ces interprétations législatives dont il se fait une arme. C’est tout un système qui peut avoir son prix comme spécimen de l’esprit d’expédient, de la subtilité d’habiles praticiens de la politique. A quoi tout cela peut-il conduire, si ce n’est à rapetisser, à compliquer et peut-être à envenimer la grande question qui va se débattre? Ainsi, le ministère ne veut pas sortir de la loi, c’est entendu; il respecte toutes les lois, c’est de sa part une très louable condescendance; il convoquera les électeurs, comme c’est son devoir, nous ne le mettons pas en doute. Quel avantage trouve-t-il cependant à prolonger les incertitudes du pays, à laisser répéter par ses amis, par ses confidens, qu’il ne serait pas éloigné d’ajourner le scrutin au 14 octobre? La question délicate est en ceci : la constitution fixe un délai de trois mois pour la convocation des collèges électoraux. Il s’agit de savoir si, pour se mettre en règle avec la loi, il suffit de publier le décret de convocation dans le délai trimestriel, en se donnant par surcroît les vingt jours qui doivent s’écouler pour la période électorale entre la publication du décret et l’ouverture du scrutin. C’est une interprétation qui peut au moins être contestée. Remarquez que tout est en suspens, que, plus les élections seront retardées, moins la chambre nouvelle aura de temps pour expédier les affaires les plus urgentes, telles que le budget, qu’il y a encore des élections des conseils généraux à faire, et que ces conseils généraux eux-mêmes auront à répartir les contributions départementales que le parlement devra voter en toute hâte. Vingt jours qui compliquent tout, quand il s’agit d’une question dont on fait dépendre les destinées