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ouverts aux sentimens de sympathie et de fraternité humaine ? Ce sont les enfans de la France. L’Italie se montre reconnaissante aujourd’hui, non sans raison assurément, lorsque des savans de race germanique, comme M. Gregorovius, M. de Reumont, viennent s’établir chez elle et s’y livrent à de consciencieuses recherches ; lâchons de lui rappeler cependant que les sympathies de la France datent de plus loin. La liste de ses visiteurs allemands est fort honorable; la liste française est plus longue et représente une communauté de sentimens plus étroite. C’est précisément là ce qui nous intéresse dans ces nouvelles études. MM. Alphonse Dantier et Perrens viennent d’ajouter leurs noms à notre liste en publiant des ouvrages que la France ne pourra lire sans profit, et que l’Italie accueillera sans nul doute avec un sentiment de gratitude.

Les deux volumes de M. Alphonse Dantier ne sont pas les premiers qu’il ait consacrés à l’Italie. Il y a juste dix ans, il publiait un savant et sympathique tableau des monastères bénédictins au-delà des Alpes. Hôte des abbayes de Valombreuse, de San-Michel-in-Bosco, de Sainte-Trinité de Cava, de Monte-Vergine, surtout de l’illustre retraite du Mont-Cassin, il avait pris plaisir à raconter tous les souvenirs que réveillent ces fondations d’un autre âge : les terres défrichées, les pauvres secourus, les trésors littéraires conservés en lieu sûr, la grande culture intellectuelle entretenue et propagée, enfin, pendant plus de mille années, tant de blessés des luttes d’ici-bas, depuis les fils des rois lombards jusqu’aux hommes de nos jours, allant demander le repos à ces poétiques solitudes. Dans le livre que nous annonçons aujourd’hui, M. Dantier parcourt un champ beaucoup plus vaste. Le peintre du Mont-Cassin a entrepris de retracer les principales périodes de l’histoire de l’Italie depuis la chute de l’empire romain d’Occident jusqu’à la fin du dernier siècle. Les invasions barbares, la domination des Hérules, des Goths, des Lombards sur le sol du peuple-roi, le roi d’Odoacre, roi des Hérules, et de Théodoric, roi des Goths, la conversion des Lombards au christianisme, le bienfaisant et glorieux pontificat de Grégoire le Grand, tels sont les épisodes qui ouvrent son livre. Viennent ensuite les Normands, et, pour marquer avec précision l’empreinte qu’ils ont laissée sur l’Italie du moyen âge, l’auteur les suit pas à pas jusqu’au fond de la Sicile. Rien de plus attachant que ces recherches pratiquées sur les lieux mêmes, cette histoire combinée avec la géographie, ces races humaines expliquées par les monumens. Les pages que M. Dantier a intitulées Voyage archéologique en Sicile sont d’une couleur charmante, on y sent cette poésie sans prétention qui sort naturellement du spectacle des choses. J’aime beaucoup aussi la septième étude consacrée aux communes lombardes. L’auteur indique avec netteté ces trois Italies superposées que les Lombards trouvèrent dans la péninsule quand ils eurent franchi les Alpes, l’Italie impériale, continuant de régner sur les villes gréco-romaines, l’Italie royale, établie à Ravenne avec les successeurs