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Panzirolo. C’est le seul endroit de ma vie où je l’ai trouvée favorable. Je vous ai dit les raisons pour lesquelles j’avais lieu de croire que Mme la princesse de Rossano me le pouvait être, et, sans comparaison, davantage que la signora Olimpia, qui ne faisait rien qu’à force d’argent, et vous croyez aisément qu’il n’eût pas été aisé de me résoudre à en donner pour un chapeau…» Rapprochez ce dernier passage des fragmens de lettres que nous venons de citer, et par là jugez à quel point Retz a voulu en imposer à ses lecteurs. « L’abbé Charrier, poursuit-il, trouva à Rome tout ce que j’y avais espéré de Mme de Rossano, et le premier avis qu’elle lui donna fut de se défier au dernier point de l’ambassadeur, qui joignait aux ordres secrets que la cour lui avait donnés contre moi la passion effrénée qu’il avait lui-même pour la pourpre. L’abbé Charrier profita très habilement de cet avis, car il joua toujours l’ambassadeur en lui témoignant une confiance abandonnée, et en lui faisant voir en même temps la promotion très éloignée. La haine que le pape avait conservée depuis longtemps pour la personne de M. le cardinal Mazarin contribua à ce jeu, et l’intérêt de monsignor Chigi, secrétaire d’état, qui a été depuis Alexandre VII, y concourut aussi avec beaucoup d’effet. Il était assuré du chapeau pour la première promotion, et il n’oublia rien de ce qui la pouvait avancer. Monsignor Azzolini, qui était secrétaire des brefs et qui avait été attaché à Panzirolo, avait hérité de son mépris pour le cardinal et de sa bonne volonté pour moi... »

L’affaire fut loin de se présenter d’une manière aussi simple que le prétend le cardinal de Retz dans ses Mémoires; elle ne fut pas enlevée aussi facilement qu’il veut bien nous l’assurer. De sérieux obstacles se dressèrent devant lui dont il ne dit mot, et il mit en œuvre pour les surmonter d’incroyables machinations dont il eût rougi de faire l’aveu et sur lesquelles il a jeté prudemment un voile épais. Sa correspondance nous permettra de soulever ce voile, de surprendre Retz sur le fait, ourdissant de sa main, sans le moindre scrupule, les manœuvres les plus coupables, les plus inouïes, avec un cynisme, une audace et une perversité dont on aurait peine à citer un autre exemple si ce n’est celui du cardinal Dubois.


R. CHANTELAUZE.