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belle princesse. Par malheur, il venait de perdre le cardinal Panzirolo, et cette perte était pour lui des plus sensibles, car Panzirolo, qui partageait pleinement la haine d’Innocent contre Mazarin, n’eût pas manqué, s’il eût vécu, de hâter de tous ses efforts la promotion d’un homme aussi capable que Retz de lutter contre le favori.

Panzirolo avait été remplacé, en qualité de secrétaire d’état, par monsignor Fabio Chigi, nonce à Cologne, qui plus tard fut pape sous le nom d’Alexandre VII, et qui en attendant devait être nommé cardinal dans la même promotion que le coadjuteur de Paris. Pour plusieurs motifs, Retz n’avait pas à se féliciter de ce choix, car monsignor Chigi n’aimait pas plus à recevoir des présens qu’à en donner, et il était aussi sévère sur les questions de doctrine que sur les questions d’argent; le gallicanisme et le jansénisme étaient ses bêtes noires. Ce fut lui qui, dans la première année de son pontificat, publia (16 octobre 1655) la bulle confirmant celle de son prédécesseur contre les cinq propositions contenues dans l’Augustinus. Il s’y élevait avec force contre ceux qui prétendaient que les cinq propositions ne sont pas dans Jansénius; il y soutenait qu’elles y sont en effet et qu’elles sont condamnées dans le sens de leur auteur. Ce fut lui enfin qui dressa le fameux formulaire contre les cinq propositions, avec ordre à tous les archevêques et évêques de France de le signer. Monsignor Chigi ne tarda pas à savoir que le coadjuteur était fort lié avec les jansénistes; il fut même sur le point d’ajouter foi à l’accusation, portée contre ce prélat par ses ennemis, qu’il appartenait à cette secte, et de traverser sa promotion. Enfin, à la différence de Panzirolo, Fabio Chigi à cette époque n’avait aucune haine contre Mazarin. Loin de là, lorsqu’il était nonce à Cologne, d’où il venait d’être rappelé, en politique adroit et prudent, il avait rendu visite à Brühl au cardinal fugitif, il lui avait ouvert sa bourse et l’avait promené publiquement dans son carrosse. A peine fut-il nommé secrétaire d’état, qu’il se montra aussitôt l’inflexible adversaire des abus pratiqués jusqu’à ce jour dans le gouvernement romain et qui n’avaient jamais été plus crians. Fort hostile à la signora Olimpia, il fit tous ses efforts pour l’empêcher de rentrer au palais. Il y réussit pendant quelque temps; mais lorsque la signora se fut imposée de nouveau à l’incurable faiblesse du pontife, Chigi ne consentit jamais à plier devant elle, et il refusa constamment d’entrer dans le cabinet du pape avant que la signora n’en fût sortie. Dans la crainte qu’une « seconde dictature de cette femme ne fût encore plus déshonorante pour Innocent, dit le jésuite Pallavicini, il eut la hardiesse de montrer au pape à quel point il lui semblait inconvenant et indécent que les femmes fréquentassent