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de folle gaîté et de licence extrême auxquels se livrait alors leur malicieux génie. Ce qu’il y avait de plus grave, c’étaient les allusions qui pleuvaient sans cesse contre la signora Olimpia du haut des chaires protestantes, surtout à Genève. Un jour un prédicateur y prit pour texte de son prêche ces paroles de saint Paul à Thimothée : Mulieri docere non permitto, neque dominari in virum.

De son mari, Olimpia avait eu deux filles et un fils, don Camillo. L’une des filles fut mariée à un Ludovisi, l’autre à un Giustiniani, tous deux appartenant aux premières familles romaines. Quant à don Camillo, dona Olimpia, dans l’espoir de faire de lui un cardinal-neveu, le fît entrer avec dispense dans le sacré-collège, sans qu’il fût même sous-diacre. Mais don Camillo ne répondit nullement à cette ambitieuse espérance de sa mère. S’étant épris de la plus vive passion pour dona Olimpia Aldobrandini, veuve depuis peu, et si connue sous le nom de princesse de Rossano, il se dépouilla de la pourpre et l’épousa, malgré l’opposition de sa mère et du pape. C’est de cette princesse qu’il est plus d’une fois question dans les Mémoires du cardinal de Retz ; elle était quelque peu sa parente et lui fut d’un très grand secours, au moment de sa faveur, dans l’affaire du chapeau. La princesse était jeune, belle, riche de toute la fortune de Clément VIII et de la maison Aldobrandini; elle était généreuse, magnifique, pleine d’esprit et de grâce. C’était plus qu’il n’en fallait pour qu’elle portât ombrage à la signora Olimpia, et celle-ci, dans la crainte qu’elle ne prît plus d’empire qu’elle sur l’esprit du pape, l’avait fait autrefois exiler de Rome, ainsi que son propre fils don Camillo. Depuis lors Olimpia avait donné pleine carrière à son ambition et à son avidité. Elle avait établi une garde rigoureuse autour du pape, afin qu’il n’apprît rien que par son entremise de ce qui se passait au dehors et au dedans du palais. Pendant plusieurs années, elle avait balancé l’influence du cardinal Panzirolo, premier ministre d’Innocent, homme d’une haute capacité et d’une habileté rare, qui s’était poussé si avant dans la confiance du pontife, qu’il resta en pleine possession du pouvoir jusqu’à la fin de sa vie. Plus d’une fois Olimpia le força à plier, elle parvint même à se faire donner communication par lui de toutes les affaires de l’état, mais elle ne put jamais le déraciner malgré tous ses efforts et ses plus insidieuses manœuvres. Panzirolo eut même assez de crédit et de puissance, quelques mois avant sa mort, pour entraîner la disgrâce de la favorite.

Le récit de ces faits, ainsi que le lecteur pourra bientôt en juger, est intimement lié à l’affaire du chapeau de Retz, et en est pour ainsi dire la clé. « dona Olimpia, écrivait Contarini, l’ambassadeur vénitien, dans sa Relation de 1647, vend, taxe, loue, se fait faire