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à tour, étaient parvenus au cardinalat; il résolut d’être cardinal comme eux, mais dans le dessein de s’élever encore plus haut. Depuis que Richelieu avait jeté un si grand éclat sur la pourpre, depuis qu’il avait désigné lui-même pour son successeur un autre cardinal, il semblait que cette dignité fût en quelque sorte indispensable pour un premier ministre. Voilà pourquoi Paul de Gondi eut un si violent désir du chapeau, pourquoi il mit en œuvre, afin de le conquérir, toutes les ressources de son merveilleux esprit, pourquoi il bouleversa l’état de fond en comble.

Au moment où nous sommes arrivés, Mazarin est banni de France, sa tête sera bientôt mise à prix par le parlement. Ses deux plus grands ennemis, Retz et Condé, sont aux prises, et il ne cesse d’espérer que, se détruisant l’un par l’autre, ils lui céderont bientôt le champ de bataille. En attendant, le coadjuteur et M. le prince se disputent « le pavé de Paris. » Condé, afin d’obtenir par la force des armes les grands gouvernemens du midi, que la reine, d’après les conseils de Mazarin, a refusé de lui livrer, se prépare secrètement à la guerre civile et entre en pourparlers avec les Espagnols. On sait avec quelle audace, quelle intrépidité, le coadjuteur, escorté de quelques-uns de ses amis et de soldats d’élite que la reine lui avait envoyés pour protéger sa personne, tint tête à M. le prince et à ses partisans, au milieu du parlement assemblé pour entendre une lecture d’un manifeste du roi contre le prince. De part et d’autre, les épées furent tirées du fourreau, et peu s’en fallut que le sang ne coulât à flots dans le sanctuaire de la justice (19 et 21 août 1651). La reine fut transportée de joie de l’extrême fermeté de Retz, qui, au péril de sa vie menacée par le poignard de La Rochefoucauld, l’avait vengée des insolences et des bravades de M. le prince.

Pendant quelques jours, Retz fut en faveur. Il en profita pour faire sa cour à la reine, et comme il était le plus entreprenant des hommes auprès des femmes, il joua auprès d’elle le rôle d’amoureux, ce qui ne déplut point à la princesse, fort coquette de son naturel. Retz nous a raconté ses entrevues et son manège de la manière la plus amusante. Il comprit bientôt, pour nous servir d’une de ses expressions favorites, que, si « le bénéfice était inoccupé, il n’était pas vacant, » et qu’en perdant cet espoir il perdait du même coup celui du ministère. Il se rabattit donc sur le chapeau.

Cependant on était arrivé au 7 septembre. Ce jour-là fut proclamée, au sein du parlement, la majorité du jeune roi; en même temps, la reine y fit publier une déclaration par laquelle était reconnue l’innocence de M. le prince. Elle espérait le gagner ou plutôt l’amuser. Le soir même, elle nommait un nouveau cabinet. Le vieux