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souverains constitutionnels, un chef d’état couvert par la responsabilité ministérielle. Quelle a été la conséquence de la politique du 16 mai ? Le résultat instantané et irrésistible de cette crise inattendue a été d’engager directement M. le président de la république dans les luttes de tous les jours, de réveiller le vieux fantôme du gouvernement personnel, et, pour la première fois, un pouvoir que personne ne contestait s’est trouvé mis en question. Il semblait lui-même laisser prévoir que l’échéance de 1880 pouvait être devancée, c’est-à-dire qu’une crise de gouvernement des plus graves pouvait éclater tout à coup, si sa volonté déclarée avec éclat ne trouvait pas satisfaction. On a beau s’en défendre, les actes ont leur logique. Le jour où M. le maréchal de Mac-Mahon s’est jeté si impétueusement dans la mêlée, il a pris son parti d’être discuté dans ses actions comme dans ses paroles, il s’est exposé à toutes les chances de la lutte qu’il engageait à découvert, et si, par la menace d’une retraite anticipée, il exerçait de l’influence sur les uns, il pouvait aussi être pris au mot par d’autres ; c’était une arme à deux tranchans.

Le gouvernement ne l’entendait pas ainsi sans doute, ou du moins lorsqu’il a vu ce qu’il y avait d’inconvéniens à laisser les esprits s’accoutumer à ces perspectives, il s’est ravisé. Il ne veut plus qu’on parle de la possibilité d’une abdication de M. le maréchal de Mac-Mahon. M. le président de la république lui-même, dans son dernier ordre du jour après la revue du bois de Boulogne, a pris soin de rappeler qu’il remplirait sa mission « jusqu’au bout. » — Jusqu’au bout, soit ; ceux qui ont l’habitude et qui aujourd’hui plus que jamais se font un devoir de respecter les lois, toutes les lois, ne peuvent se plaindre que la première de ces lois, la constitution, soit maintenue dans son intégrité. C’est entendu ; mais si ces questions délicates ont pu être agitées, qui a pris l’initiative ou qui a donné un prétexte ? Qui s’est plu à répéter que le pays aurait à choisir entre le maréchal et M. Gambetta ? Qui s’est servi du nom du chef de l’état, de l’éventualité d’une abdication pour assurer à la dissolution le vote d’un certain nombre de sénateurs très perplexes ? Aujourd’hui encore que fait-on ? Que se prépare-t-on à faire avec ces candidatures officielles mystérieusement élaborées par M. le ministre de l’intérieur ? C’est le nom du maréchal qu’on semble vouloir mettre en avant. Il y aura les candidats du maréchal, et comme dans notre bon pays de France la comédie se mêle à tout, on a émis l’idée que tous les prétendans à la députation devraient mettre leur signature, en guise d’adhésion, au bas du manifeste que publiera M. le président de la république ! Dans tous les cas ceux qui auront la recommandation officielle, — et il paraît qu’elle est très recherchée, même très disputée aujourd’hui, — ceux-là jouiront seuls du privilège d’invoquer le nom du duc de Magenta. Aux autres il sera probablement