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nos fonds publics porte encore aujourd’hui le témoignage, prévaut de plus en plus, si le sentiment consciencieux que le bien finira toujours par prévaloir et que les bases sociales ne pourront jamais être atteintes pénètre davantage dans les couches profondes des citoyens qui produisent et qui consomment, nous arriverons à souffrir plus patiemment les oscillations inhérentes à notre état politique et à les envisager sinon avec scepticisme, au moins avec résignation, ce qui nous conduirait à coup sûr à les régler !

Nulle part plus qu’à Paris ce divorce entre la politique des ambitieux et celle des véritables intérêts populaires n’est urgent. Nous sommes en effet à la veille d’élections politiques et municipales, et une exposition universelle de l’industrie s’ouvrira à Paris dans quelques mois. Par cela même que notre capitale prend de plus en plus une physionomie cosmopolite, il serait nécessaire que ses représentans spéciaux, les membres de son conseil municipal principalement, indiquassent bien aux yeux du monde le vrai caractère, l’esprit particulier, les mérites de toute nature et la supériorité dans toutes les branches de l’activité humaine de notre cher Paris. On a pu s’y tromper souvent.

Lorsque l’heure de la capitulation avait sonné et que le gouvernement de la défense nationale en réglait les conditions à Versailles, M. de Bismarck disait à un de nos principaux fonctionnaires : « vous cherchez à notre lutte des motifs politiques ou autres qui n’existent pas : ceci n’est pas une guerre, mais une invasion. L’Allemagne, trop à l’étroit chez elle, déborde et se répand où elle peut, où elle doit le faire, partout où l’appellent les efforts heureux de ses fils émigrés. Voyez Paris : les capitaux allemands y abondent, les ouvriers allemands y pullulent ; notre langue s’y naturalise ; Paris est la troisième ville allemande de l’Europe. » Pour montrer à tous qu’elle est bien française, n’est-il pas à souhaiter que notre capitale ne se distingue pas seulement par le luxe de ses habitations, par la reprise de ses grands travaux, même par les sacrifices qu’elle fait en vue de l’exposition à laquelle l’Europe est conviée pour 1878, mais que dans ses manifestations politiques elle s’inspire d’un sentiment véritable de concordent de paix ? Alors que les hôtes les plus illustres afflueront dans nos murs, ne serait-ce pas la condamnation la plus dure des institutions actuelles, un défi porté au bon sens, une atteinte à la renommée du pays que de confier la représentation de Paris à d’autres que ceux dont les noms personnifient dans le monde entier le savoir, le caractère et le talent ? Sous peine de forfaiture, cette preuve de patriotisme, Paris doit la donner.


BAILLEUX DE MARISY.