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Chacun y trouvait son compte. Aujourd’hui la sortie n’est plus possible que par les ports de la même circonscription, de la même zone douanière. Plus de fiction, mais la réalité. La fiction consistait à supprimer heureusement le transport d’une balle de farine à travers toute la France, et à permettre au blé entré à Marseille de sortir, par exemple, par Dunkerque, précisément au moyen de l’acquit-à-caution transféré par le négociant provençal au minotier du nord. Désormais cela ne se peut plus. Le fisc croyait y gagner, il s’est trompé. Qu’est-il en effet arrivé ? C’est que Marseille, par suite même de la gêne introduite dans ses opérations, a reçu en moins la quantité de blé correspondante à ces sortes d’admissions, et que les minotiers ont trituré en moins cette quantité de blé. Bordeaux, Nantes, Brest, Le Havre, Lille, Dunkerque, Nice, Toulon, Cette, tous ces ports ont perdu là un avantage dont ils jouissaient, celui de faire sortir en farines la quantité correspondante représentée par les blés reçus en franchise à Marseille. Tous ont à l’envi réclamé, et ce n’est pas tout. Dans quelques départemens du centre, les pauvres femmes qui l’hiver faisaient des sacs pour l’exportation de ces farines ont vu tout à coup se tarir pour elles cette source de travail. Ces farines allaient surtout en Angleterre, en Suisse, en Belgique, en retour ces pays nous adressaient d’autres produits. Sous le prétexte de favoriser nous ne savons quels intérêts agricoles, et de satisfaire de prétendues réclamations des minotiers de la Belgique, on a tout à coup, en 1871, par décret, sans consulter personne, supprimé les acquits de mouture, comme encore ils s’appellent, et jeté le trouble dans mille industries. Dans un chargement de blé, il y a le marin qui l’apporte, l’ouvrier qui le reçoit, le minotier qui le triture, et c’est tout cela qu’il faut voir. Qu’y faire ? L’inertie des bureaux est telle que les intéressés réclament en vain, et cependant il suffirait d’un décret pour rétablir ce qu’un décret a si mal à propos détruit, ce qui depuis 1861, depuis l’abolition de la trop fameuse échelle mobile, fonctionnait en France à la satisfaction de tous, commerçans, minotiers, agriculteurs. Il est temps qu’on y prenne garde, car ce cas n’est malheureusement point le seul qu’on pourrait citer. Désormais que nos législateurs ne touchent à ces sortes de choses que d’une main experte, désintéressée, impartiale ; là est le salut économique du pays.

La question des tarifs de transport mériterait une étude spéciale, car rien n’influe sur le développement du commerce et rien n’est de nature à l’arrêter comme la baisse ou la hausse des prix de transport, et nous entendons parler ici aussi bien du transport des voyageurs que de celui des marchandises, aussi bien du transport des lettres que de celui des dépêches télégraphiques. En matière